NDLR : Le hasard des visites de loges m'ayant amené en Bretagne, j'ai fait connaissance d'Annie, initiée en 2019 et compagnonne. Ayant évoqué le sondage réalisé par l'IFOP sur le vécu des apprentis et compagnons au GODF, Annie a accepté de répondre en exclusivité à une interview sur son propre ressenti de compagnonne d'une loge du GODF. Pour préserver sa tranquillité, son anonymat est respecté.
Q1 :: MTCS Annie, je te remercie de nous parler de ton ressenti en tant que femme et franc-maçonne , quelle idée avais tu de la franc-maçonnerie avant d'être initiée ?
Annie : La Franc-maçonnerie ne m’était pas inconnue. Une vie commune de dix années auprès d’un franc-maçon a été pour moi une expérience fondatrice sur mon chemin de vie. Une vraie rencontre faite d’amour, de respect et de fraternité, sans être un long fleuve tranquille…
Q2 : Pourrais-tu te présenter brièvement ?
Annie : Mariée – deux enfants Mon métier de tourneur de terre et de formatrice dans le domaine de la céramique s’est révélé une vraie passion. J’ai également travaillé auprès de l’Aide Sociale à l’Enfance. Une belle expérience malgré des difficultés bien réelles. Actuellement, je suis en formation à l’Ecole Française de lecteur-correcteur par intérêt pour la langue française et la littérature.
Q 3 : Comment s'est passée ton initiation ?
Annie : Mon initiation s’est bien passée. J’étais un peu déboussolée, je dois dire. Alors que mon souhait au départ était d’intégrer une Loge mono genre, je me suis retrouvée dans une Loge mixte à 90% masculine, ce qui m’a demandé des efforts pour trouver ma juste place. Ne voulant pas gommer ma féminité, je ne savais pas toujours comment me positionner vis-à-vis des Frères. Etablir des relations franches et loyales avec le sexe opposé en essayant de dépasser les déterminismes sociaux, s’avère être un jeu d’équilibriste, à mon sens.
Q 4 : Pourquoi as-tu choisi une loge du GODF pour entrer en franc-maçonnerie ?
Annie : Je n’ai pas choisi le G.O.D.F. Le hasard a fait les choses. Je souhaite aujourd’hui me rapprocher d’une Loge uniquement symbolique. Je pense que le Sociétal en Loge est source de tensions relationnelles entre les membres.
Q5 : Dans ta loge as-tu retrouvé d'autres soeurs ? Partagez-vous des réflexions ?
Annie : J’ai pu établir également des liens de fraternité avec des Sœurs d’autres Loges. Il est vrai que le sujet de la mixité est abordé entre nous. Nous constatons que la complaisance et la peur du conflit chez certaines sœurs, maintiennent en l’état la phallocratie ambiante. La misogynie est difficile à combattre car elle passe aussi par le langage non verbal .
Q6 : Conseillerais-tu à des amies de rentrer dans une loge maçonnique ?
Annie : Oui Mais bien exposer ses attentes lors des enquêtes et se documenter sur les Obédiences et les Rites afin d’éviter «l’ erreur d’aiguillage ».
Q7 : Comment travailles-tu maçonniquement ?
Annie : J’ai participé à des réunions d’instruction pour apprentis et compagnons. J’ai des échanges avec des Frères et des Sœurs en dehors de la Loge. Je lis actuellement les ouvrages de Daniel Beresniak que je trouve passionnant : clarté d’écriture et pensée profonde qui ouvrent des pistes de réflexion.
Q8 : Te sens-tu en confiance dans ton atelier ?
Annie : Oui, car la majorité des Frères ont été bienveillants et fraternels à mon égard.
Q9 : En tant que femme te sens-tu respectée en loge ? As-tu vécu des moments pénibles de sollicitation à caractère sexuel ?
Annie : Je n’ai pas été respectée par un Frère : un conflit d’ordre sexuel sur lequel je ne souhaite pas m’étendre.
Je me suis sentie démunie et perturbée face à cette attitude, ne pensant pas la trouver en F.M.
Un gradé du G.O.D.F se croyant tout permis envers une apprentie, cela relève du « droit de cuissage » et de l’abus de pouvoir.
Le « ménage » a été fait.
Q10 : Je suppose que dans ton atelier on utilise les fonctions des officiers au masculin ; est-ce que cela t'apparaît normal ? Que proposerais-tu ?
Annie : Cette boutade « Notre Vénérable Maîtresse » qui nous propulse illico dans l’univers du Marquis de Sade ( ce dernier était franc-maçon, je crois) est très porteuse de sens, je trouve. La fonction de Direction de la Loge est sexualisée dès qu’une femme l’incarne. Il est vrai que la substantialité des mots a son importance car elle peut banaliser une situation discriminante d’un genre, à savoir le genre féminin dans le sujet qui nous occupe.
Une petite proposition de ma part : pourquoi ne pas utiliser les bijoux des Officiers pour nommer les fonctions. Cela aurait le mérite de la neutralité.
Par exemple :
Vénérable Sœur/Frère de l’Equerre
S/F de la Plume
S/F du Volume de la Loi
S/F de la Lyre S/F du Cœur
S/F de la Canne
S/F des Clefs
S/F du Glaive
S/F de l’Epée
S/F de la Perpendiculaire
S/F du Niveau
S/F des Banquets
Que penseraient les puristes de cette idée « saugrenue » qui, peut-être, a déjà été proposée ? Pour ma part, j’aime la poésie symbolique des bijoux mais je n’évalue pas les conséquences d’un tel choix sur l’ensemble des textes d’un Rite.
Q11 - Quelles satisfactions as-tu pu connaître depuis que tu es franc-maçonne ?
Annie : Mes satisfactions en Franc-maçonnerie sont nombreuses : les rituels, la gestuelle, les tabliers et les gants, les décors du Temple et son silence, la chaîne d’union, la Fraternité de l’ensemble des Sœurs et des Frères, leurs planches, les Agapes. Tout ce que je peux connaître en tant que compagnon me plaît et me touche. En Tenue, je me sens à ma place.
Q12 - Aurais-tu un message à transmettre au grand maître du GODF ?
Annie : Je transmets au Grand Maître du G.O.D.F mes amitiés fraternelles et féministes d’une Sœur Compagnon, et cette pensée d’ Albert Einstein toujours d’actualité :
« Il est plus facile de désintégrer un atome que de vaincre un préjugé. »
Je remercie l’équipe de « l’Idéal Maçonnique » et son webmaster Matéo pour leur ouverture d’esprit.
Bien fraternellement MMTTCCSS, MMTTCCFF.
NDLR : Vous imaginez ami-e lecteur/lectrice combien ce voyage m'a touché . Oui la vie maçonnique est extraordinaire, faite de rencontres authentiques et de fraternité, Oui nous devons être vigilant devant le risque du "laissez-aller", Oui nous devons entendre ces ressentis et savoir les prendre en compte !
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