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Photo du rédacteurMatéo Simoita

Franc-Maçonnerie et Religions

Dernière mise à jour : 17 juil. 2020


Une opposition non justifiée


Dès sa création, la Franc-Maçonnerie a été confrontée à une violente opposition de l'eglise catholique alors que les religions protestante, orthodoxe et juive n'ont manifesté aucune opposition !

Aujourd'hui, si l'église catholique maintient l'incompatibilité, la virulence provient surtout de certaines confréries musulmanes !

Ne peut-on pas essayer de dépassionner le débat ?

Si certaines religions ont peur de la franc-maçonnerie, la franc-maçonnerie accepte le fait religieux tout en exigeant qu'il ne soit pas une source de division !

Dans un monde occidental secoué par la pratique de l'islam, on devrait s'inspirer du rôle que certaines loges maçonniques européennes ont eu dès le XIXème siècle pour faciliter la socialisation des populations de confession juive.

La démarche maçonnique n'est pas en opposition avec la vocation religieuse qu'elle respecte , tout comme elle respecte la liberté de conscience y compris jusque dans l'athéisme et l'incroyance.


Le mysticisme, en Franc-Maçonnerie


Comme en loge la liberté de conscience permet à chacun-e d’évoluer de façon autonome dans le cadre d’un respect des autres, la question du mysticisme, qui, parfois, est « valorisé », mérite une réflexion car il intrigue.

La très grande majorité des initiations s’insère dans un processus religieux ayant une logique avec un recours à un ou des Dieux, comme élément justificatif !


La franc-maçonnerie dite libérale est une des rares écoles de pensée qui conçoivent un processus initiatique en dehors d’une référence déiste ou théosophique.

Tout cela explique que l’on retrouve dans les loges maçonniques une très grande variété de parcours personnels !

Que cela soit dans certaines études historiques ou dans le langage courant, la référence au mysticisme en franc-Maçonnerie est encore un sujet de divergence !

Pour essayer de comprendre, citons cette référence :

« Est mystique celui ou celle qui ne peut s’arrêter de marcher et qui, avec la certitude de ce qui lui manque, sait de chaque lieu et de chaque objet que ce n’est pas ça, qu’on ne peut résider ici ni se contenter de cela. Le désir crée un excès. Il excède, passe et perd les lieux. Il fait aller plus loin, ailleurs. » ( cf la Fable mystique de Michel de Certeau, historien, religieux et psychanalyste – 1925-1986 ).

Le mysticisme se définit essentiellement comme une expérience personnelle qui réalise une relation directe entre une personne et une entité irrationnelle appelée de différentes façons selon les cultures et les époques ; pour les mystiques chrétiens, c’est bien sûr Dieu ou Jésus-Christ, pour les musulmans, Mahomet, pour les animistes, un esprit particulièrement important du village, pour les adeptes du Vaudou, un Lwa, pour d’autres, Satan ou Lucifer, etc.


Le mysticisme a ainsi cette originalité de constituer un engagement total de l’individu qui en arrive à ne plus « vivre » autrement que dans sa relation mystique.

Si les grandes religions « tolèrent » leurs mystiques , elles mènent une guerre implacable contre toute expression mystique qui ne rentrerait pas dans leurs logiques et qu’elles qualifient souvent de « satanique » !


On pourrait d’ailleurs expliquer l’anti-maçonnisme virulent par le fait que la Franc-Maçonnerie est souvent assimilée à une pensée qui conduit au mysticisme !


Pour les esprits simples, il y a souvent une assimilation entre l’approche mystique et la capacité à détenir les « pouvoirs » des « mystères » ! C’est ce qui peut expliquer la faveur dont jouit le spiritisme que l’on entrevoit dans certains rites et en particulier dans le martinisme !

Le vrai mysticisme, c’est autre chose !

Ce qui intrigue, c’est la capacité d’un dévouement « corps et âme » dans une relation irrationnelle ; cette relation exclusive explique la capacité de somatiser ce que l’on pourrait appeler « des éléments du transfert » (cf les stigmates de Padre Pio, les différents « miracles » ou les expériences de lévitation, etc.) !

D’un point de vue psychanalytique, Michel Demangeat dans son ouvrage « Mysticisme et psychanalyse », précise :

« L’un et l’autre (Jacques Lavan et Michel de Certeau) nous ont aidé à ressaisir la relation du langage avec cet Au-delà autour duquel semble se déployer en un mouvement parabolique le « conversar » (Michel De Certeau) ; ce que préciserait encore Agamben dans « Stanze » (2) : « L’Ainos de l’Aignigma n’est pas simplement obscurité, mais un mode plus originel du dire. Comme le labyrinthe, comme la Gorgone et comme le Sphinx qui la profère, l’énigme appartient au domaine de l’apotropaïque : puissance protectrice qui repousse l’inquiétant en l’attirant à soi et en l’assumant. Le sentier de danse du labyrinthe, qui conduit au cœur même de ce qu’il tient à distance, est le modèle de ce rapport à l’inquiétant tel qu’il s’exprime dans l’énigme ».

Si le mysticisme, en qualité d’expérience individuelle, mérite un respect et une réflexion, que certaines religions utilisent pour conforter la foi, il peut constituer une tentation perverse en laissant à croire qu’il peut être un recours pour solutionner la problématique existentielle !

La difficile identification du processus initiatique explique bon nombre de dérives et la connaissance des rituels maçonniques montre bien qu’ils autorisent des interprétations plus ou moins délirantes.

Dans le mysticisme, le corps est un élément essentiel du vécu. Jean-Daniel Causse, dans son article « Le corps et l’expérience mystique. Analyse à la lumière de Jacques Lacan et de Michel de Certeau » précise :


« Dans l’expérience mystique, le corps est à la fois l’intime et l’étranger. Le corps se trouve comme « exproprié » de lui-même et situé dans un lieu Autre. »


La relation entre mysticisme et franc-maçonnerie est ambiguë depuis le XVIIIème siècle et l’interprétation qu’on a voulu donner du mouvement des illuminati de Bavière d’ Adam Weishaupt et d’ Adolf von Knigge. Et puis il y a eu Jean-Baptiste Willermoz et les « mystiques » lyonnais. Aujourd’hui, le mouvement illuminati se réclame d’une « mystique » et il sa thématique est utilisée pour justifier l'accusation de "satanisme" appliquée à la Franc-Maçonnerie.


Quand on voit qu’en 2016 « l’université maçonnique » (chère à la GLDF) a programmé un sujet sur « Poésie mystique et maçonnique avec Leili Anvar & Joël Grégogna », on peut se poser des questions sur le sérieux de ce genre « d’université » !


Au total, une grande confusion persiste au sujet de la mystique en Franc-Maçonnerie et le terme est soit utilisé abusivement pour parler d’une démarche spiritualiste, soit honni car expression d’une imposture destinée à créer des manipulations de sujets crédules.


Pourtant l’universalité des expériences mystiques montre bien qu’il s’agit d’une capacité particulière que possède l’être humain : pouvoir consacrer toute son énergie dans un processus de pensée exclusif !

En quelque sorte, l’expérience mystique est une autre preuve de la force de la pensée humaine et en cela elle corrobore les connaissances nouvelles sur la biologie du cerveau.


En Loge, le corps est censé « disparaître » pour laisser place à une réflexion « dépassionnée » ; si on peut admettre une interprétation spiritualiste de la démarche maçonnique, il est clair que la franc-maçonnerie n’a jamais été à l’origine d’une expérience mystique !


Ne pourrait-on pas dire que le processus initiatique maçonnique est d’abord un acte sociétal et que le mysticisme reste essentiellement une expérience individuelle ?


Cette utilisation « dévergondée » du terme mystique en Franc-maçonnerie est d’une part inappropriée et sans fondement et d’autre part à l’origine d’une perversion du sens même de la démarche maçonnique ; ce faisant on attise l’anti-maçonnisme qui se nourrit de textes apocryphes pour nous accuser de satanisme et on attire des esprits faibles qui recherchent de pseudo-pouvoirs magiques !

Comment certaines obédiences peuvent-elles accepter cette déviance source de tant de confusion ?


 

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