Le 16 janvier 2021 à l'occasion du convent du Grand Orient de France, Georges Sérignac, a été élu par les 37 conseillers de l'ordre Grand-maître du Grand Orient de France. Il prononça son discours d'installation. Nous vous en proposons quelques extraits :
« Alors que le futur même proche est aussi illisible que menaçant, et au sein d’une société en perte de repères dans laquelle l’opinion semble désormais faire office de doctrine et l’émotion de pensée, la Franc-maçonnerie est un point d’ancrage moral, philosophique et républicain. Elle est un lieu de réflexion et de prospective dont la méthode initiatique et symbolique permet de progresser vers une connaissance objective et une éthique de soi dont l’acquisition a pour seule finalité l’édification du Temple, soit celle de la cité heureuse. La Franc-maçonnerie est un des outils du combat pour la liberté, la justice, l’émancipation et l’accession à une vie bonne pour chaque être humain.
En réconciliant mystique et rationalité, elle a la capacité heuristique d’ouvrir de nombreux champs propices à un renouvellement dont l’humanisme serait le pilier.
Issue des Lumières, dépassant les querelles dogmatiques, réunissant dans l’écoute et le respect mutuel d’anciens adversaires irréductibles, reliant par le rituel les présents avec les Anciens, les vivants avec les disparus, la Franc-maçonnerie est, depuis ses origines, un chemin intellectuel, moral et spirituel pour retrouver « la voie droite » du lien fraternel universel dans la forêt obscure de l’humaine comédie.
Porteuse d’un idéal de paix, de justice et de fraternité, elle adosse, le travail dans la cité à la connaissance de soi, la raison critique et la liberté de conscience à l’herméneutique de mythes ancestraux dans une quête de sens échappant à la superstition et donnant accès à une spiritualité laïque dont l’horizon métaphysique s’est émancipé de toute tutelle.
La Franc-maçonnerie trouve sa richesse certes, dans ses pratiques et dans ses rituels, dans sa pensée et dans son idéal, dans la sociabilité qu’induit leur partage mais plus probablement dans la singularité de leurs conjonctions.
En mélangeant intériorité et sociabilité, proximité et lointain, liberté individuelle et action collective, éthique et connaissance, elle fait converger des itinéraires philosophiques, spirituels et citoyens personnels dans un chemin commun dont le but est l’amélioration de l’homme et de la société.
Le G∴O∴D∴F∴ est en effet, à la fois, un Ordre initiatique tenant de la pluralité des rites et un creuset de la laïcité, un conservatoire de traditions et un laboratoire démocratique, un espace d’épanouissement individuel et un lieu d’élaboration d’une pensée collective.
C’est cette complexité qui réalise son alchimie unique, perdre un de ses composants signifierait perdre le tout.
La conservation de sa spécificité, de son rôle et de sa place à l’aune de son histoire, est impérative et nous en sommes les dépositaires du moment.
Cet axe dirigera et conduira toute notre action.
Notre premier dessein sera de sauvegarder la substance et l’identité du G∴O∴D∴F∴.
Cette idée directrice charpentera le cadre de nos décisions et déterminera l’orientation générale de notre action.
Première de nos priorités, elle apparaîtra toujours en filigrane de notre projet.
En ayant conscience que les circonstances sont difficiles et particulièrement aléatoires, nous aurons pour boussole le maintien du G∴O∴D∴F∴ dans toutes ses dimensions et la volonté d’assurer son rayonnement.
1/ L’idée directrice : Le rôle et la place du G∴O∴D∴F∴ dans la société
Pour qu’il occupe la place qui lui revient dans le paysage maçonnique français et international et qu’il exerce pleinement son rôle dans la république comme dans le débat d’idées., il nous faut travailler sans relâche afin que le G∴O∴D∴F∴ soit, dans ses attributs comme dans son rayonnement, dans son étendue comme dans sa portée, à la hauteur de l’idéal qui l’anime comme de l’histoire qu’il s’est forgé.
Notre première mission donc, celle qui déterminera et surplombera toutes les autres, est donc la préservation du G∴O∴D∴F∴.
Dans le souci constant du bon ordre administratif et financier, en veillant à la garde de la Constitution et du Règlement Général comme l’indique son article 128 sur les attributions du Conseil de l’Ordre, il nous revient en premier lieu de maintenir intacts ses trois piliers :
L’initiatique, déterminant fondamental de notre Ordre, dont la pratique et l’enseignement nous construisent et établissent l’originalité et la richesse de la réflexion maçonnique.
Le philosophique et citoyen, guidé par la liberté absolue de conscience, signifié par une organisation interne horizontale et démocratique exemplaire, inséparable de sa parenté républicaine.
Le troisième pilier, éthique, fraternel et convivial, architecte d’une aventure humaine personnelle à la nature indépassable.
Il nous revient également, et ce n’est ni le plus aisé ni le moins nécessaire, d’entretenir jour après jour l’union et le rassemblement tout en laissant toute leur place à la liberté d’expression, au débat et à la diversité des points de vue, selon la dialectique structurante spécifique de la méthode maçonnique dont l’injonction paradoxale attise les capacités créatrices et permet l’adhésion réfléchie et la concorde.
L’équilibre de cet assemblage est délicat et il peut se rompre autant par excès que par défaut. C’est bien pourquoi, paraphrasant Montesquieu, nous ne devons toucher à notre Obédience que d’une « main tremblante », avec patience, humilité et retenue.
Entre le flux du nouveau et l’inertie de l’ancien, sans reculer ni abdiquer sur l’essentiel, une nouvelle compliance doit nous permettre, sans rupture et sans prendre le risque de perdre notre passé, de consentir aux adaptations nécessaires à notre fonctionnement. L’utilisation soudaine de nouveaux outils ces derniers mois en est un exemple.
« Être consiste en mouvement et action » écrivit Montaigne. La vie est mouvement et tout groupe, association ou organisme meurt de son immobilisme, antichambre de sa futilité et de son impuissance.
Pour le Franc-maçon, être c’est interagir, penser l’autre, s’ouvrir et aller vers lui, écouter, observer, donner et recevoir, connaître et partager, tendre la main, pratiquer un dialogue qui traverse le temps, tout l’inverse d’un confinement qu’il soit physique ou mental.
La Franc-maçonnerie est une philosophie de la joie par sa praxis de la présence à autrui. L’absence et le vide préfigureraient son effacement définitif.
C’est dire l’importance de la reprise des travaux.
Une nécessité : La reprise des travaux
L’inactivité est en effet un poison lent, la séparation et l’éloignement mettant en place un processus de dissolution des LL∴ et donc de la Maçonnerie qui, si on ne le prévient pas, pourrait devenir irréversible. L’hypothèse d’une disparition semble peu probable, mais celle d’un évidement, d’une perte de substance, toute aussi funeste, ne l’est pas.
Les chantiers qui s’ouvrent devant nous sont immenses et le retour en L∴ est primordial. Dès que cela est envisageable, quand les conditions règlementaires sanitaires l’autorisent, ayons la volonté de reprendre nos travaux afin que le plus grand nombre d’At∴ se réunissent à nouveau régulièrement en Tenue. Il est impératif que nous retrouvions l’enrichissement et le plaisir de la présence physique, certes en responsabilité, en appliquant rigoureusement les mesures préconisées et les gestes barrières, en acceptant évidemment l’absence des plus fragiles, même en moins grand nombre, mais sous la forme rituelle et selon la méthode maçonnique, et en chair et en os, ce qui est bien le moins pour des Maitres Maçons.
Cependant, cela est encore souvent impossible, et dans ces circonstances exceptionnelles, les instances comme les LL∴ ont dû avoir recours à des solutions alternatives. Même insatisfaisante, la forme dématérialisée nous a ainsi permis de nous retrouver et d’échanger selon de nouveaux modes de réunions qui, malgré leurs limites et bien qu’ils ne remplaceront jamais nos Tenues, offrent de nombreuses possibilités. Ce sont des outils intéressants, simples d’usage et peu coûteux et, sans tomber dans le piège mortel d’une « télé-maçonnerie» et tout en prisant modérément cette nouvelle langue, prenons acte que, visio-conférence, télétravail, zoom, présentiel et distanciel forment un nouveau lexique d’usage courant.
Avec ces nouveaux supports et malgré de nombreuses réticences initiales, les SS∴ et FF∴ ont pu maintenir des relations, travailler et garder le contact et désormais, ces instruments sont devenus familiers. Même si ces réunions ne peuvent être que profanes et ne remplaceront jamais nos travaux en Tenue, nous ne pouvons réagir en zélotes et refuser tout objet nouveau sous le seul prétexte de sa modernité.
Une conviction : La prééminence des LL∴
Les LL∴ sont le tissu vivant de l’Obédience, sa substance et son esprit. De leur vitalité dépend sa réalité même, son énergie et son rayonnement.
L’efficience du G∴O∴D∴F∴ passe nécessairement par la reviviscence des LL∴. Elles sont les seuls lieux où s’enseigne et se transmet l’initiatique, où se conjuguent liberté individuelle et pensée collective, où se nouent les liens d’entraide et de fraternité. Éléments moteurs de la diffusion des idéaux maçonniques, leur implantation territoriale est un atout irremplaçable pour faire rayonner nos valeurs et appliquer nos principes dans le monde profane.
La conscience de leur prééminence nous animera en permanence.
La dynamique des LL∴, leur activité et leur implication sont primordiales et le Conseil de l’Ordre, qui est leur organe de représentation et de coordination, doit être l’expression de leurs volontés. Il sera à leurs côtés pour les accompagner, les soutenir et les renforcer.
Nous poursuivrons le travail du Conseil de l’Ordre descendant sur les problématiques de démographie et de recrutement dont nous devons préciser les variables et comprendre les ressorts.
S’il semble que nous soyons à peu près tous d’accord pour prolonger le moratoire sur la création de nouvelles LL∴, nous risquons, avec la crise, de subir une certaine baisse des effectifs et de nombreux At∴ peuvent prochainement se retrouver en difficulté, ce qui modifierait la lecture actuelle et demanderait une approche différente de l’ensemble du sujet.
À ces problèmes de répartition, de densité et de survie parfois des LL∴, s’ajoutent ceux de leur pratique administrative comme de leur interactivité.
Pour y remédier, nous poursuivrons l’amélioration de notre informatique, afin de faciliter les accès aux bases de données, développer la diffusion et la communication des travaux des LL∴ et mettre à la disposition des SS∴ et FF∴ du G∴O∴D∴F∴ un outil, simple d’emploi, pratique et complet.
Dans cet objectif pour l’Exécutif d’avoir avec les LL∴ les relations les plus proches, nous irons à leur rencontre dès que possible et visiterons un grand nombre d’Orients répartis sur tout le territoire intra et hors métropole afin de pouvoir échanger avec les SS∴ et les FF∴ qui le souhaiteront autour de toutes les thématiques qu’ils désireront aborder, particulièrement nombreuses dans le contexte actuel. Ces dialogues nous permettront de préparer ensemble la reprise de l’activité de notre Obédience.
Les évènements que nous subissons auront une issue et il nous faut l’anticiper en les dépassant. Tandis qu’une pandémie de grande envergure occupe tout l’espace, ne perdons pas de vue que notre république est, au fil des années, de plus en plus malmenée. Aux fragmentations sociales et culturelles de notre société s’ajoutent des tensions sécuritaires persistantes, provoquant une inquiétude généralisée qui précipite les populations dans la tentation totalitaire, leur faisant confondre la dégradation de leurs libertés avec un séduisant refuge.
2/ Du constat de la crise à son dépassement : une réflexion essentielle pour le G∴O∴D∴F∴
Ainsi, notre République indivisible, laïque, démocratique et sociale, semble ployer jour après jour sous le poids des monstres qui l’assaillent.
Le plus ouvertement criminel est l’islamisme fanatique, une idéologie politique fasciste dont le dévoiement de la religion tient lieu de prétexte, et qui dans sa folie meurtrière a commis sur notre sol ces dernières années des attentats faisant près de 300 morts et plusieurs milliers de blessés.
Mais nous devons affronter d’autres adversaires plus insidieux de la république, situés aux deux extrêmes du panorama politique, animés par des passions tribales antagonistes et un ressentiment commun envers la nation, et créent de nouveaux schismes démocratiques pour l’affaiblir. « La Franc-maçonnerie c’est la République à couvert, la République, c'est la Franc-maçonnerie à découvert. » proclamait l’orateur du Convent de 1894.
Compagnon indéfectible de la république, le G∴O∴D∴F∴ veut en être, une conscience, une vigie, une sentinelle. Faisons également qu’il en soit un rempart. Désormais, c’est d’action et de résistance dont nous devons faire preuve pour combattre et défaire les ennemis de la république autant que leurs alliés objectifs que sont les complicités imbéciles et les misérables lâchetés. Efforçons-nous de le faire sans nous-mêmes Francs-maçons du G∴O∴D∴F∴ tomber dans le piège d’un dogmatisme défensif, dans l’aveuglement des égoïsmes et la facilité des démagogies, en défendant les libertés fondamentales et le droit, y compris pour nos adversaires.
« La liberté, c’est toujours la liberté de celui qui pense autrement » disait Rosa Luxemburg.
Que le G∴O∴D∴F∴ l’oublie ou l’ignore, reviendrait pour notre Obédience à s’égarer puis à se perdre.
Mais aux attaques contre la République, s’ajoute une crise plus systémique. Dans un monde devenu « un village planétaire », une accélération généralisée de la modernité la fait se télescoper brutalement avec les antagonismes historiques de l’humanité et entraîne un processus de désorganisation progressif généralisé des sociétés.
Néanmoins, toute crise porte en elle son propre dépassement et la Franc-maçonnerie s’est élevée contre l’immuabilité du mal.
Le moment que nous traversons peut donner naissance à une reconsidération du monde actuel et le G∴O∴D∴F∴, à sa place, doit être un protagoniste actif de cette reconstruction. Il y apportera sa pensée originale qui puise sa force dans sa patiente élaboration, en L∴, sous la règle initiatique, sur le temps long, dans l’écoute, l’échange et dont la bienfaisante lenteur procure recul, distance et hauteur.
C’est parce qu’elle se construit ainsi, en Tenue, dans l’espace sacré du Temple, loin du tumulte, selon la méthode symbolique, que cette pensée apporte sa contribution singulière à l’amélioration de l’homme et de la société. C’est dire combien dans l’époque confuse, trouble et menaçante que nous vivons, le G∴O∴D∴F∴ doit être présent, actif et reconnu.
Dans cette perspective, les travaux des LL∴ sur le Livre blanc de l’« Après » voulu par notre passé G∴M∴ pourraient constituer le point de départ d’une réflexion plus approfondie sur les nombreuses vulnérabilités, failles et insuffisances de l’organisation de notre société que la pandémie n’a fait que souligner et parfois aggraver.
La conscience de la réalité globale du vivant, met en lumière et nous impose le respect de notre environnement et la préservation de la biodiversité. Celle de l’unité du vivant se manifeste par une meilleure prise en compte de la condition animale, indispensable prélude à l’humanisme. Face au risque d’effondrement, la question écologique, essentielle, est désormais une urgence vitale pour l’équilibre du monde et le futur de l’humanité.
Dans une culture aujourd’hui principalement orientée vers la technique et se refermant sur celle-ci, le totalitarisme numérique et plus généralement l’hubris scientiste et technologique contemporain aggravent les craintes de la mise en place définitive d’une société totalitaire post-humaine. La question de la technique et du profit face à la condition humaine devient le débat décisif de la modernité.
Pour que le G∴O∴D∴F∴ y prenne toute sa part, afin d’apporter son éclairage à une délibération publique de plus en plus exigeante sur cette problématique, le Conseil de l’Ordre proposera aux LL∴ en guise de fil rouge de conduire une vaste réflexion autour d’une organisation nouvelle de la société sinon d’une réinvention du monde.
Pouvant se substituer cette année aux Questions à l’étude des LL∴ qui n’ont pu être mises en place en raison des conditions du Convent, ce fil rouge prolongera le Livre blanc et une synthèse des nouvelles contributions pourra se faire sur le modèle de celles des Questions à l’étude des LL∴.
Les LL∴ pourront compléter et approfondir leur réflexion et ainsi apporter leur vision maçonnique élaborée dans la durée, pendant que, à l’extérieur du temple, l’avalanche de nouvelles données hâte de plus en plus rapidement la péremption des précédentes, les oblitérant sans toutefois les invalider.
Dans le souci de cohérence et de coordination de ce projet, nous solliciterons l’aide et l’appui des Congrès régionaux dans le respect de leurs prérogatives. Nous proposerons d’y associer également pleinement les commissions conventuelles, dont nous connaissons la grande qualité des travaux et avec lesquelles nous développerons les relations, les échanges et les partenariats. Un Grand Officier sera nommé à cet effet.
Afin de donner un retentissement national à ce projet, et si les conditions sanitaires le permettent, l’organisation d’une journée nationale d’action du G∴O∴D∴F∴ posera l’acte fondateur de ce chantier.
À une date commune, le Conseil de l’Ordre, en symbiose avec les LL∴ qui mettront en place un évènement d’extériorisation autour de ces thèmes, programmera un colloque qui se déroulera dans un lieu emblématique. Il réunira des intervenants de haute qualité, Francs-maçons et profanes et sera ouvert à tout public afin de lui procurer audience, rayonnement et notoriété. Cette journée nationale d’action veut être la première pierre d’un grand chantier installant notre Obédience dans son siècle.
3/ L’extériorisation
Plus généralement et autant qu’il sera possible, nous encouragerons l’extériorisation de nos LL∴. Leurs Tenues Blanches Ouvertes, conférences publiques, expositions traduisent l’ouverture sur le monde, l’engagement dans la cité et la volonté de non-repli sur soi du G∴O∴D∴F∴.
Pour sa part, en fonction des conditions sanitaires, le Conseil de l’Ordre poursuivra l’organisation des Universités Populaires Maçonniques en province selon les mêmes modalités qu’auparavant et les Chantiers de la République continueront à être mis en place, une fois par mois, en l’Hôtel Cadet.
Aura lieu également, si cela est possible, le 26 juin, une fête de la Laïcité en l’honneur du Chevalier de la Barre, figure marquante du combat pour la liberté de conscience.
Une semaine plus tôt, le 19 juin, nous voudrions reconduire la journée Jean Zay consacrée à l’École de la République dont l’affaiblissement préoccupe à juste titre tous les citoyens responsables. L’éducation occupe une place centrale dans l’organisation de la cité et les difficultés de notre système éducatif sont un des symptômes parmi les plus préoccupants de la maladie républicaine. « Aucune des lois les plus utiles ne sera du moindre profit si les citoyens ne sont pas dotés d’éducation » affirmait déjà Aristote et Condorcet expliquait que l’Instruction publique avait pour double fonction de transmettre le savoir et former les citoyens. Voilà pourquoi ce chantier est essentiel, et un Grand Officier en aura la charge. Nous souhaitons également entreprendre un suivi sur l’évolution inquiétante de nos Universités. Un travail sur l’éducation populaire, directement liée au concept de solidarité, sera effectué au sein de la commission des affaires humanitaires et solidaires.
Enfin, notre rassemblement traditionnel du 1er mai revêt cette année une importance exceptionnelle puisque nous célébrons les 150 ans de la Commune de Paris. Appelons les mânes de la République pour que les conditions sanitaires ne nous contraignent pas à annuler cet anniversaire d’un évènement majeur de l’Histoire de la République.
La Commune, prolongement de l’espoir né en 1789 fut la source d’avancées considérables de l’inconscient collectif républicain français et un mouvement populaire dont de nombreuses exigences doivent nous inspirer. Parmi celles-ci, l’égalité hommes-femmes, la liberté de conscience, l’éducation laïque, gratuite et obligatoire, et aussi, selon la formule de Gustave Courbet, la volonté de « rendre la culture ouverte à tous, en la sortant de la commercialisation ». Cette volonté de bâtir une fraternité culturelle résonne étrangement en ces temps de fermeture prolongée de tous les musées, théâtres et salles de concert.
La culture ouverte et populaire est un élément déterminant du projet émancipateur de la république, elle ne peut être absente de l’action maçonnique.
Dans la construction d’une société éclairée, le G∴O∴D∴F∴ et donc ses LL∴ doivent défendre et promouvoir l’art, la littérature, la peinture et la musique face aux philistins de tous bords, les rendre accessibles à tous.
Trait d’union avec le monde profane, sujet et objet, le pan culturel de notre Obédience est une des manifestations de sa réalité historique, temporelle et citoyenne.
Parmi les plus notoires, le Musée, a, en plus de son exposition permanente, plusieurs expositions temporaires en projet. Levier de communication de la Franc-Maçonnerie et du G∴O∴D∴F∴ de grande qualité, nous le soutiendrons sans équivoque, et travaillerons à son enrichissement comme à sa mise en valeur.
Saluons le dévouement de tous ceux, personnel salarié et bénévoles, qui œuvrent en son sein et ont vécu, eux aussi, une année bien difficile.
Le Musée, la Bibliothèque, les archives, contiennent et entretiennent la mémoire de l’Obédience, Ils concourent à faire du G∴O∴D∴F∴ autant qu’un objet historique, un conservatoire de traditions et d’usages qui maintient et renforce nos liens intemporels avec les FF∴ qui nous ont précédés.
4/ La solidarité
L’action maçonnique, que ce soit dans sa manière d’agir comme dans les objectifs qu’elle poursuit, ne peut être guidée que par la fraternité.
La fraternité que produit l’athanor initiatique dans une alchimie intérieure qui transforme les êtres.
Elle se révèle dans le souci constant du rassemblement, qui en est le fruit comme la graine. La recherche de l’union est un devoir implicite en Maçonnerie, la pratique de la division, qu’elle soit l’effet du mauvais compagnon ou le produit d’une mégarde profane, en est le dévoiement.
Mais, par-dessus tout, la fraternité s’exprime par la pratique de la solidarité.
Notion cardinale et fondatrice, la solidarité, réunit et partage, elle reconnaît l’égalité des humains, comme la laïcité. En cela, la solidarité lui est indissociable, toutes deux étant proclamées dans l’article 1er de la Constitution du G∴O∴D∴F∴.
Comme elle a su le faire dans le combat historique pour la laïcité, notre Obédience doit s’engager résolument pour que la solidarité soit une priorité républicaine. Il nous incombe de l’installer durablement dans le débat public afin qu’elle s’inscrive par le texte dans la loi. Nous travaillerons ainsi, selon la formule de notre F∴ Léon Bourgeois, à la construction d’une « République de la main tendue contre celle du poing fermé ».
Suivant le modèle des nombreux FF∴ qui contribuèrent au programme du Conseil National de la Résistance dont la solidarité était au centre du projet, à l’exemple des nombreux Francs-maçons pionniers des travaux sur le Revenu Universel d’Existence depuis plus de vingt ans, il nous revient de réaffirmer auprès des différents intervenants et décideurs de la vie publique, la place de clé de voute de la solidarité dans l’édifice républicain.
Le G∴O∴D∴F∴ est une force de proposition et de progrès. En contribuant à renforcer la prise en compte de la solidarité dans les politiques publiques, le G∴O∴D∴F∴ est en harmonie avec son enseignement initiatique et conséquent avec son engagement citoyen.
Sur un plan interne, pour la nouvelle année maçonnique qui s’ouvre, en concertation avec l’Instance Nationale de Solidarité Maçonnique, le Conseil de l’Ordre descendant et le passé G∴M∴, devant les conséquences sociales dramatiques probables des évènements que nous traversons, ont souhaité que l’Obédience ait les moyens nécessaires pour faire face à toutes les futures demandes financières de la solidarité et être en mesure de subvenir aux besoins qui seront, hélas, probablement de plus en plus importants dans l’avenir. Le Convent a donné son accord à cette demande, approuvée par un vote massif.
En appui de ces aides, le Conseil de l’Ordre et son G∴ Hos∴ travailleront également sur la possibilité de mettre en place un certain nombre d’outils pratiques dans l’assistance et l’accompagnement des SS∴ et FF∴ rencontrant des difficultés de santé, de logement et de dépendance avec un travail accentué sur le « 5ème risque ». De la même façon, face aux problèmes d’emploi, il apparaît important de soutenir les Associations Solidarité Emploi Ecoute afin qu’elles puissent venir en aide à tous ceux qui les solliciteront.
Concernant la solidarité externe, la Fondation effectue un travail remarquable.
Ne fonctionnant que par des dons, les limites de ses moyens n’empêchent pas la grande qualité de ses actions hélas trop souvent ignorées des SS∴ et FF∴ de l’Obédience. Nous souhaitons lui donner une plus grande visibilité. La Fondation peut en effet être un vecteur positif de la communication du G∴O∴D∴F∴ sur un aspect méconnu de la solidarité des Francs-maçons avec le monde profane.
Toujours concernant la solidarité, nous nous inscrirons dans la continuité des travaux entrepris sur le handicap, ouvrirons un chantier sur les violences envers les femmes et les enfants et poursuivrons la réflexion sur la situation des migrants. Trois Conseillers de l’Ordre seront en charge de chacun de ces sujets.
Les migrations humaines, dont l’accroissement sera peut-être bientôt exponentiel avec le dérèglement climatique, mettent en évidence l’obligation, philosophique, philanthropique et morale, d’aide, de soutien et de prises en charge de populations martyrisées, déplacées et meurtries, écrasées sous le talon de fer de dictatures civiles, militaires ou religieuses.
Les missions internationales de la Franc-maçonnerie libérale sont à l’échelle de cet enjeu.
5/ La politique internationale
La politique internationale du G∴O∴D∴F∴ réside dans la présence et l’action de nos LL∴ à l’étranger, également dans les relations et échanges avec les Obédiences étrangères amies.
Le G∴O∴D∴F∴ en accompagnant nos SS∴ et FF∴, dont parfois la seule appartenance à notre Ordre peut présenter un véritable danger, leur marque son soutien.
Il veut aussi par cette présence, fidèle à son histoire comme à ses valeurs, exprimer son engagement auprès des peuples qui luttent pour leur libération et leur émancipation.
La poursuite du développement de nos LL∴ à l’étranger, quand cela apparaît nécessaire, a été voté largement et sans ambigüité par les derniers Convents. Nous en appliquerons la volonté.
Quand les conditions l’autoriseront, nous mettrons à nouveau en place les nombreux échanges, concertations et manifestations à l’étranger que soutiendront les G∴S∴A∴E∴, en collaboration avec les Grands Officiers chargés respectivement des zones Afrique-Moyen Orient, Pacifique-Océan Indien, Amérique-Caraïbes, et Europe. Cette dernière entité géographique présente aujourd’hui un double aspect. D’une part, ses LL∴ sont rattachées à différents Congrès régionaux avec lesquels des liens très forts et transnationaux se sont créés. D’autre part elle forme avec la France métropolitaine, pour des raisons de proximité géographique, culturelle, économique et politique, un vaste territoire commun dont la continuité constitue un élément de réflexion essentiel. Dans cette étendue nouvelle, le développement de nos valeurs et principes républicains parmi lesquels la laïcité est fondamentale, passe par celui de la Franc-maçonnerie libérale.
Il sera, à l’évidence, un de nos chantiers majeurs du futur.
Notre regard ne peut s’arrêter à nos frontières et nos SS∴ et nos FF∴ du monde représentent l’avenir de la république universelle que nous chérissons. Nous souhaitons les voir nombreux participer à la vie de l’Obédience. Leur parole est essentielle pour nous enrichir de leurs analyses comme de leur ressenti qui élargissent et développent la pensée collective du G∴O∴D∴F∴.
6/ Les Juridictions
Quelques mots sur les Juridictions du G∴O∴D∴F∴.
Administrativement autonomes et exécutivement indépendantes, sous la bannière commune du G∴O∴D∴F∴, composées de SS∴ et FF∴ membres de l’Obédience et animés du même idéal maçonnique, les juridictions sont parties intégrantes du G∴O∴D∴F∴.
Au service de l’intérêt général et du G∴O∴D∴F∴, nous travaillerons avec elles en fraternité et en concertation, en dehors de toute structure pyramidale, selon le cadre spécifique de Grand Orient dont nous mesurons tous combien est précieuse la préservation. C’est ce cadre qui assure la liberté de choix individuel et permet, en pleine et entière appartenance au G∴O∴D∴F∴, à celles et ceux qui en ont le désir, de prolonger leur réflexion à leur guise au sein des juridictions sans obérer le moins du monde la pratique en L∴ bleue symbolique ni interférer sur l’organisation horizontale de l’Obédience, richesse et identité du G∴O∴D∴F∴.
7/ Les relations interobédientielles
Concernant nos relations avec les autres Obédiences, le G∴O∴D∴F∴ est la plus ancienne et la plus importante Obédience de la Franc-maçonnerie libérale. Il doit l’assumer avec la conscience claire de sa propre histoire tout en sachant qu’il fait partie d’un ensemble maçonnique vaste et buissonnant.
La Franc-maçonnerie est une famille de pensée dont la pluralité des membres est une richesse. Soyons cependant attentifs à ce qu’aujourd’hui, cette multiplicité ne devienne pas sa tunique de Nessus.
L’efflorescence maçonnique est en effet, un signe paradoxal. Elle peut être la manifestation d’une diversité créatrice quand elle étend son offre de choix philosophiques, spirituels et intellectuels, mais peut devenir mortifère si elle provoque éparpillement, désordre et confusion.
Pour sortir du dédale inextricable pour le profane d’Obédiences de plus en plus nombreuses, nous poursuivrons le travail entrepris ces dernières années en partenariat avec les principales d’entre elles, de remise à plat de nombreux traités d’amitiés et de reconnaissance devenus inadéquats, obsolètes ou caduques.
Loin de toute tentation hégémonique, nous aurons le souci de maintenir, dans le respect mutuel, les meilleurs rapports avec les SS∴ et FF∴ des Obédiences amies avec lesquelles nous tenons à entretenir des relations fraternelles.
Mes TT∴CC∴SS∴, mes TT∴CC∴FF∴, nous voilà au terme de ces propos, prononcés devant un Convent hélas restreint, et que je vous livre en toute sincérité au seuil de ce mandat. Ils tracent pour vous les grandes lignes de notre projet, relié indéfectiblement à notre attachement au G∴O∴D∴F∴ et à notre détermination, au service de l’intérêt général.
Un projet animé par une volonté, celle de maintenir et préserver les piliers spécifiques fondamentaux du G∴O∴D∴F∴, une conviction, que la réalité de la Franc-maçonnerie est dans les LL∴, une éthique, celle de la fraternité.
Le G∴O∴D∴F∴, une nouvelle fois dans son histoire, trouve devant lui des circonstances auxquelles il doit se mesurer et nous avons conscience de l’importance, de la complexité et de la multiplicité des enjeux qui se présentent devant nous.
Le G∴O∴D∴F∴ n’est pas un parti ou une Église et la Franc-Maçonnerie, une idéologie ou un dogme. La Franc-Maçonnerie est une idée.
Une idée qui nous dépasse et qui nous grandit.
« Avec la trace, nous nous emparons de la chose, avec l’aura, c’est elle qui s’empare de nous» écrivit W. Benjamin dans le Livre des passages.
Les idées façonnent les êtres et si la Franc-Maçonnerie nous déconcerte parfois, elle nous comble souvent et nous imprègne toujours et à jamais.
Les idées façonnent également les institutions et le G∴O∴D∴F∴ est un Ordre initiatique qui pour porter une vision du monde fraternelle, juste et généreuse doit en avoir la traduction dans ses usages.
Nous savons la puissance de l’idée maçonnique, il ne dépend que de nous que l’institution qui l’incarne à nos yeux, le G∴O∴D∴F∴, dépassant sa représentation, se hisse à la hauteur de sa réalité afin d’affronter les nouveaux défis du moment, comme elle a su le faire dans le passé.
C’est de la « manière d’être » de chacun des SS∴ et FF∴ du G∴O∴D∴F∴, en pleine responsabilité, que lui viendra cette force, où et à quelque place qu’il se situe, sur les colonnes ou dans l’exercice plus visible d’une fonction, le temps éphémère d’un mandat, chacune d’égale importance au regard du temps maçonnique et de l’histoire de l’Obédience.
Mes TT∴CC∴SS∴, mes TT∴CC∴FF∴, c’est ainsi que nous bâtirons notre édifice commun, réunis par l’amitié fraternelle et l’éthique de soi, avec comme viatique, l’enseignement initiatique, la liberté de conscience et la fraternité, et découvrirons ensemble, jour après jour, la « voie droite » décrite par Dante, celle qui, pour nous, trace le sillon de l’idée maçonnique et du G∴O∴D∴F∴.
Vive le G∴O∴D∴F∴ !
J’ai dit
Félicitations à ce nouveau Grand Maître ... à titre personnel et au nom de l'OIAPMM (Ordre Initiatique Ancien & Primitif de Memphis Misraïm ... Nous espérons qu'il conçoive la Franc-Maçonnerie dans sa diversité des aspirations et des inspirations, qu'il pratiquera l'accueil et l'hospitalité à des formations maçonniques qui, parfois peu nombreuse en nombre de frères et de sœurs savent être inventives, riches en créativité dans l'esprit que nous partageons tous et dont leurs buts affirmés est de construire un monde humaniste intégrant, s'il est jugé important par celles et ceux qui y ont été reçus, une spiritualité utile et partageable. C'est, assurément, la diversité qui transmute nos cénacles en un véritable diamant. Voilà l'alchimie suprême et la véritable opérativité de…