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Photo du rédacteurMatéo Simoita

Hauts grades maçonniques : Une déviance ?

Dernière mise à jour : 20 juil. 2020



Une invention probablement française


La Franc-Maçonnerie instituée à Londres au début du XVIIIème siècle et qui est toujours en activité, ne comporte que trois grades : Apprenti, compagnon, Maître.



Même si certains textes anciens semblent faire référence à une possible évolution au-delà des trois premiers grades, il semble bien que l'apparition des hauts grades soit essentiellement due à la volonté des loges françaises (et en particulier bordelaises) de compléter les trois grades initiaux en intégrant des références à toutes sortes de légendes, de contes et d'événements historiques "revisités" !

En dehors du rite émulation héritier des premiers rites maçonniques, qui a conservé la tradition des trois grades, pratiquement tous les autres rites maçonniques comportent plus de trois grades.

De ce foisonnement d'initiatives, propre à cette période du XVIIIème siècle, le filtre de l'Histoire en gardera essentiellement une seule qui aura une destinée mondiale et qui se fera connaître sous l'acronyme du RE2A, c'est à dire le Rite Ecossais Ancien et Accepté.

A l'origine de ce rite il y a un négociant bordelais, Etienne Morin, qui, après bien des aventures, se retrouve aux Antilles dans les années 1760 et développe un premier rite à multiples degrés ; ce modèle sera repris par des francs-maçons américains et, après des modifications, sera constitué ce rite à 33 degrés en 1801 en s'inspirant des Grandes Constitutions signées par le roi Frédéric II de Prusse le 1er mai 1786.



Le développement de ce rite donnera lieu à un véritable engouement qui transformera durablement le paysage maçonnique et incitera d'autres maçons à créer d'autres rites à grades multiples ou à en modifier d'existants.



Un intérêt contesté

Dès sa création le REAA suscita un réelle circonspection. On en retrouve la trace dans la préface du Thuileur de l'Ecossisme publié en 1815. (voir ci-contre des extraits de la préface)


Les raisons d'un succès


A chaque époque, des raisons spécifiques peuvent être trouvées, mais globalement, il me semble que le succès mondial du REAA peut être compris par trois éléments que l'on retrouve aujourd'hui :


- Le REAA comme instrument de vulgarisation d'une culture ésotérique: bien que tous les auteurs sérieux s'accordent pour dire qu'il n'y a pas dans les rituels maçonniques, en général et du REAA en particulier, d'éléments nouveaux et originaux susceptibles d'émerveiller la pensée humaine, il est clair que de nombreux maçon(ne)s voient dans les thème "survolés" dans les grades dits supérieurs du REAA une "ouverture" philosophique qui change de la symbolique des grades bleus et qui présente une certaine attractivité pour celles et ceux qui n'avaient jusque là pas pu s'y intéresser. En quelque sorte, tout se passe comme si les ateliers supérieurs avaient permis une vulgarisation des sciences traditionnelles voire de certaines démarches ésotériques ; et cette capacité d'offrir cette vulgarisation s'accomplit dans le cadre d'une relative démocratisation de l'accès aux loges.


- Le REAA comme élément de sélection : Toute organisation humaine induit des niveaux de pouvoir. En créant ce mode de sélection, les ateliers supérieurs facilitent indirectement le cheminement indirectement vers le pouvoir en créant une sélection parmi les frères et soeurs ; au-delà de l'intérêt intellectuel, le brassage qu'entraine le fonctionnement des hauts grades brise le cloisonnement des loges qui sont calfeutrées dans leurs orients ! Ce brassage favorise la circulation des informations, la formation d'amitiés voire de clans ! D'un pouvoir purement interne on dérive vers les niveaux du pouvoir social.


- Le REAA comme élément de stabilité maçonnique mondiale : Face aux difficultés de fonctionnement des obédiences, on comprend bien que certains esprits puissent s'inquiéter de voir la franc-maçonnerie devenir une "peau de chagrin". La mondialisation du REAA et sa relative stabilité ont pu être des arguments importants pour permettre aux suprêmes conseils de jouer un rôle palliatif face à l'impuissance des obédiences.


Tout cela montre, s'il en était besoin, combien le problème est complexe et combien la responsabilité des loges et des obédiences est grande pour faire en sorte que l'idéal maçonnique soit mis en valeur et que sa divulgation soit réalisée dans des conditions authentiques et sincères.


Un succès qui crée problème


Qui dit plusieurs grades, implique l'existence d'une organisation ; or cette organisation devra composer avec la structuration existante des loges dans le cadre du Grand Orient de France, seule obédience maçonnique existante au XVIIIème siècle en France.


L'organisation du rite, c'est le suprême conseil ; étant donnée la propension à vouloir rechercher des prétextes à division, ce qui devait arriver arriva, et de conflits en ruptures et en création de concurrences, la belle unité du grand Orient de France volera en morceaux pour aboutir à une multiplication des obédiences et des ....suprêmes conseils !


Il n'y a qu'en Angleterre où l'autorité de la Grande Loge Unie a réussi à se maintenir au prix de quelques concessions aux "side degrees" !

Aujourd'hui encore, il est clair que l'équilibre des pouvoirs entre les suprêmes conseils et les obédiences est fragile et bien que tout cela se passe de façon "discrète", il est clair que les suprêmes conseils du REAA jouent, quelles que soient les obédiences, une influence non négligeable sur le fonctionnement des obédiences.

Quel intérêt ?


Quelque soit le grade, une loge maçonnique fonctionne de la même manière : un rituel, des symboles, des prises de parole plus ou moins codifiées. Ce qui change, c'est naturellement les rituels des différents grades qui incorporent des légendes et des personnages.

La plupart des rites qui ont des hauts grades se fondent sur la tradition chrétienne et l'initiation de Jésus-Christ. Ce qui gui fait leur originalité s'inscrit donc dans la logique du rite et de tous ses grades : or qui aujourd'hui peut prétendre pouvoir connaître le contenu symbolique logique et complet d'un rite de 33 grades et pour d'autres rites de près de 100 grades ?


D'autant plus que, sur ce nombre de grades, seuls quelques uns sont communiqués (moins de 10 y compris les 3 premiers pour le REAA) ! Au bout du compte un-e franc-maçon-ne initié-e au 1er degré dans une loge travaillant au REAA n'a qu'un espoir minime d'arriver au 33ème degré avant de mourir (sans parler du budget que cela implique). Cela veut dire que la majorité des frères et des soeurs travaillant au REAA n'ont aucune idée de la logique de leur rite et qu'ils pratiquent une symbolique qu'ils ne pourront pas comprendre ! Tout cela est ridicule !

Par ailleurs, comme cela a été dit, la logique d'un rite avec des hauts grades c'est de donner toute son importance à la juridiction qui gouverne l'ensemble du rite, c'est à dire les suprêmes conseils ; l'obédience perd de sa crédibilité, d'autant plus si, pour accueillir le maximum de membres, elle autorise la pratique de plusieurs rites !

On comprend que dans ces conditions la gouvernance de l'Ordre Maçonnique soit devenu "kafkaïenne" et que les tentations profanes aient trouvé dans ces "montages" des prétextes bien commodes pour pouvoir s'assouvir !

Comme cela est écrit dans le thuileur de l'écossisme, toute la valeur de la démarche maçonnique est contenue dans les trois premiers grades où on nous apprend à rechercher une vérité qui donne un sens éthique à la nécessaire fraternité universelle !

Aujourd'hui, seuls les rites à trois grades offrent une réelle cohérence et une vraie authenticité !

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