Recension de l’ouvrage de Boris Nicaise qui permet de mieux comprendre la pratique du serment aussi bien dans le monde profane qu’en franc-maçonnerie.
C’est un sujet qui nous renvoie aux origines de l’humanité ; le serment a suivi le fil des ans pour prendre toute son importance au Moyen-âge : comme l’écrit Claude Gauvard, enseignante-chercheuse et historienne française, spécialiste de l'histoire politique, sociale et judiciaire du Moyen Âge :
« Le Moyen Âge est né avec le serment. Pour s’en tenir aux langues vernaculaires, les premiers balbutiements écrits du français et de la littérature française sont issus de la pratique du serment, sous la forme des Serments de Strasbourg ! » (Les accords de Strasbourg du 14 février 842, s’ils avalisent la coalition militaire entre Charles le Chauve et Louis le Germanique, contre leur frère aîné, Lothaire Ier, sont considérés, par la qualité littéraire de son contenu, comme l’acte de naissance de la littérature française
Aujourd’hui, le serment est toujours omniprésent aussi bien dans la vie profane qu’en loge, quel que soit le degré où s’effectuent les travaux maçonniques.
Le titre est réducteur car l’auteur ne se limite pas à l’étude du serment en franc-maçonnerie ; il y a aussi une réflexion générale, historique et sociologique. Et c’est justement cette approche globale qui justifie l’intérêt de l’ouvrage.
« Le serment semble désuet alors même que nous voudrions tous pouvoir nous y fier. Sans serment auquel s’en remettre ou s’engager, la loi de la jungle est assurée ! Le serment est donc un des rares éléments qui nous éloignent de notre animalité et font de nous ce que nous voulons être : des hommes et des femmes à part entière. »
En quatorze chapitres, avec une plume alerte, Boris Nicaise aborde de différentes manières ce sujet passionnant :
1. LES MONDES DU SERMENT
2. PETITE HISTOIRE DU SERMENT
3. ENJEUX DU SERMENT EN FRANC-MAÇONNERIE
4. L’ESPACE D’UN TEMPS INEXISTANT
5. LE SERMENT POUR SARMENT
6. L’ESPRIT DU CORPS
7. TÉMOINS ET ACTEURS, TOUS FACTEURS
8. LES GENRES DU SERMENT
9. ÉVOCATIONS DE L’INVOCATION
10. LES MOTS POUR LE DIRE
11. SAINTES SANCTIONS, SAINES SANCTIONS ?
12. ABSENTÉISME OU THÉISME ABSENT ? PARJURE, DEGRÉ ZÉRO
13. PRATIQUE MAÇONNIQUE
14. EPILOGUE
Les pages consacrées à la pratique du serment en loge maçonnique sont parfois teintées d’un volontarisme embellisseur pour faire ressortir une interprétation positive de son contenu symbolique mais Boris Nicaise ne se prive pas pour autant d’un regard critique.
« En 1986, la Grande Loge Unie d’Angleterre décida de supprimer toute expression de pénalités dans le serment mais continua de les mentionner dans l’instruction du grade proposée ensuite. Cette voie reste souvent pratiquée en maçonnerie, permettant de développer la symbolique en l’ancrant dans l’Histoire et d’éviter une critique aisée devant des expressions insensées que le profane ne comprend guère. Il faut d’ailleurs reconnaître que l’adoucissement des termes du serment vint en partie de l’hostilité du monde qui, prenant tout au premier degré (ou en l’espèce moins encore), voyait dans ces outrances l’œuvre de conjurés comploteurs imposant le silence sur d’inavouables secrets. »
Car il est clair que le serment est une imposture que les sociétés imposent sans possibilité de négociation ; le christianisme l’avait refusé dans un premier temps (cf « Tu ne jureras point ! ») pour ensuite le reprendre à son compte et l’instrumenter notamment lors des guerres de religion !
Le serment impose une dialectique abrupte : c’est toujours à prendre ou à laisser ! Devant ce faux choix, la soumission au diktat institutionnel est l’attitude la plus commune ! C’est ce qui se passe pour la très grande majorité des postulants à l’initiation maçonnique qui savent que tout cela est de l’ordre du simulacre !
Et l’auteur l’explique très bien en citant de très nombreux exemples.
C’est un livre qu’il faut lire pour ne pas être dupe et aussi pour imaginer que, peut-être un jour le serment et sa langue de bois pourrait être reformulé avec un contenu plus authentique et plus respectueux d’un réel contrat qui soit équilibré et qui engage aussi bien le contractant que la loge !
A noter que l’image de la couverture du livre n’est pas conforme avec la pratique habituelle du dégantement des mains pour prêter serment que l’auteur lui-même rappelle dans son texte.
La bibliographie complète utilement le développement proposé.
Tout n’est pas dit sur ce sujet mais l’essentiel y est.
Boris Nicaise, avec une production déjà conséquente, se révèle être un auteur de qualité : des textes bien documentés, la volonté d’explorer son sujet sans trop de langue de bois, un style enlevé et agréable à la lecture !
Le Serment en Franc-Maçonnerie
Boris Nicaise
Editions La Maison De Vie - MdV – 2021
168 pages – Prix : 17,50 €
Ouvrages maçonniques du même auteur
· Le Miroir, du voir au savoir : outil de connaissance, E.M.E. Éditions, 2012.
· En Réponse à mes enfants, libres propos au sujet de la franc-maçonnerie, E.M.E. Éditions, 2012.
· Les Minutes de l’expert, E.M.E. Éditions, 2014. Un et un font trois, E.M.E. Éditions, 2014.
· Temps maçonnique VS Temps profane, E.M.E. Éditions, 2015.
· Le Complot des pots-de-beurre : des francs-maçons résistent à Napoléon, E.M.E. Éditions, 2016.
· La Symbolique, au-delà des symboles, E.M.E. Éditions, 2017.
· Le Secret maçonnique, des secrets maçonniques au Mystère initiatique, E.M.E. Éditions, 2018.
· La Transmission en franc-maçonnerie, E.M.E. Éditions, 2019.
· L’Égrégore, quatrième dimension de la franc-maçonnerie ? Numérilivre Éditions des Bords de Seine, 2020.
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