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Photo du rédacteurMatéo Simoita

La pensée symbolique​


Une composante essentielle

de la pensée humaine !

Dans la démarche maçonnique, il est habituel de dire « Ici tout est symbole ! ». A la vérité, cette assertion pourrait être reprise par tous les adeptes des mouvements ésotériques et religieux et en allant plus loin par tous les êtres vivants.

On doit à Jean Piaget d’avoir décrit dans ses études sur le développement psychologique de l’enfant le mode d’apparition de la pensée symbolique. Mais on oublie parfois de garder à l’esprit combien ce mode opératoire est important et le rôle qu’il joue dans les différents processus de la pensée humaine.


La représentation matérielle et graphique est un support nécessaire mais l’essentiel se passe au niveau cérébral.


La pensée symbolique utilise nos imaginaires qui eux-mêmes utilisent nos représentations mémorisées. C’est par elles que se construisent nos processus de réassurance et aussi nos projections et en particulier nos fantasmes.


Tout se passe comme si, le symbolisme maçonnique induisait un langage et un sens qui, dans une compréhension primaire, devaient nous engager à adopter un comportement exemplaire de fraternité et de dévouement. Cet effet recherché s’accompagne souvent de recherches personnelles pour mieux comprendre aussi bien l’histoire des sociétés humaines que la psychologie.

Bien que la diversité des pratiques rituéliques complique souvent les approches personnelles, on ne peut qu’être étonné de voir, après près de trois cents ans d’existence, combien la démarche maçonnique est un formidable stimulant intellectuel !


Il y a cependant, à mon avis, une précaution nécessaire : la pensée symbolique n'élude pas la pensée affective ; les deux se complètent. Le symbolisme maçonnique est parfois vécu de façon "éthéré" et certains "spécialistes" du symbolisme ont parfois tendance à rentrer dans un monde sans affect. C'est le mixage de ces deux pensées qui est parfois difficile à faire avec des interférences inconscientes qui perturbent l'une et l'autre.


Lorsqu'on vient d'être initié(e) on peut être pris de vertiges devant l'abondance des symboles ; on peut être tenté(e) de se lancer dans une étude livresque avec des interprétations qui peuvent parfois friser le délire.


l'important c'est d'abord de comprendre la spécificité de la pensée symbolique.

Ensuite vient le temps de la réappropriation personnelle.




Le premier travail du nouveau (ou de la nouvelle) initié(e): S’approprier le symbolisme maçonnique !


Il y a ce que l’on lit dans les ouvrages, ce que l’on entend dans les tenues, et il y a ce à quoi on adhère vraiment, et qui provient de ce long travail d’appropriation.

De nombreux facteurs entrent en jeu (cf le schéma ci-dessus) qui tiennent à la personnalité de chacun-e. On peut comprendre les symboles mais le plus important c’est de les aimer ; peu importe si certains nous laissent de marbre car on ne peut imaginer se les approprier tous !


A chaque degré, certains symboles marqueront plus que d’autres ; ce sont eux qui pourront devenir nôtres !

Ce travail d’appropriation peut se faire plus ou moins rapidement , qu’importe ! A chacun-e son rythme en fonction de son vécu.


Par l’appropriation, le symbole devient vivant et il s’intégrera dans ce que Piaget a défini dans la pensée symbolique, ce mystérieux processus qui nous aide à clarifier nos idées et nos pensées.




L’art et le symbolisme

L’art peut être envisagé comme le lieu d’une tension qui présente de nombreuses analogies et imbrications avec le symbolisme.

L’art pictural, vu comme lieu privilégié de l’imaginaire, pose le problème de cette « folle du logis » comme l’a nommé Blaise Pascal, tant décriée par les rationalistes de tous poils, décriée par Platon lui-même qui n’y voit qu’un processus d’imitation, limité en tant que représentation maladroite, partielle et incomplète, de la réalité du monde « sensible ».

Platon se méfie de l’entreprise artistique, de sa prétention, à jouer inconsidérément avec la puissance du symbole. Il lui reproche de stagner au niveau le plus bas de la perception de l’être, et par conséquent d’être une tromperie d’autant plus dangereuse qu’elle est ambitieuse. Illusion, barrière supplémentaire à la perception des idées, le monde des images serait une détournement de la forme idéale au profit de la forme sensible.


Si j’aborde d’entrée ce point de vue platonicien c’est pour indiquer où nous mènera une réflexion qui s’efforcera de faire apparaître l’originalité profonde du symbole dans l’Art.


A propos du rapport entre l’image et le signifié :


Sans doute à cause de la défiance pour ce qui touche à l’imaginaire en Occident, le vocabulaire qui lui correspond est peu clair, voire même dévalué : on parle ainsi indifféremment d’ "image", de «signe», de « symbole » ou d’ "allégorie".

  • Le signe : La première catégorie de signes concerne ceux qui font gagner du temps, qui renvoient à un sensible incontestable ; ils sont par conséquent arbitraires, variables, peuvent se dire par un chiffre, une lettre, un dessin ; ainsi en est-il pour signaler instantanément qu’une rue est en sens unique ou que Mr Martin habite au numéro 3 ;

  • L’allégorie : elle concerne surtout les concepts abstraits ; ainsi la Justice est représentée par une allégorie telle que chacun de ses éléments correspond à une partie du signifié : par exemple un personnage porteur d’une balance. L’allégorie est souvent plaquée sur une pensée préalable qui est la seule condition de son sens.

  • Le symbole : On pourrait définir le symbole comme l’inverse de l’allégorie ; comme l’écrit Paul Godet dans « Sujet symbole dans les arts plastiques », « Si l’allégorie part de l’idée abstraite pour aboutir à une figure, le symbole est d’abord figure et comme telle source, entre autres choses, d’idées ! » De par sa nature, le symbole est par conséquent une apparition de l’indicible, une épiphanie d’une part de la Réalité qui échappe aux organes de la perception ou à l’entendement rationnel. Gilbert Durand, Philosophe et anthropologue de l’imaginaire, précise « Ne pouvant figurer l’infigurable transcendance, l’image symbolique est transfiguration d’une représentation concrète par un sens à jamais abstrait. » Selon Paul Ricoeur, le symbole prend ainsi une triple dimension, cosmique d’abord puisqu’il est un élément du monde qui nous entoure, onirique ensuite dans la mesure où il s’enracine dans les rêves, les souvenirs et la grande mémoire de l’espèce, poétique enfin puisqu’il relève de la parole dans ce qu’elle a de plus augmentique.

Autant l’image-idole se referme sur elle-même, autant l’image-symbole instaure un sens et reconduit à un au-delà du sensible.

Dans son autobiographie, Goethe explique que « Dans la Nature vivante et sans vie, animée et inanimée, je crus reconnaître quelque chose qui ne se manifestait que par des contradictions, et, par suite, ne pouvait être compris dans aucun concept, moins encore dans un mot. Cela ressemblait au hasard, car nulle conséquence ne s’y manifestait ; cela paraissait voisin de la Providence ; cela laissait entrevoir un rapport. »

La connaissance symbolique n’est jamais définitive, jamais close, jamais explicite parce que ne se référant pas à un discours préalablement établi. Elle est porte ouverte, réminiscence, reconduction du sensible aux formes. Acquisition d’un savoir indicible, pressentiment, le symbole définit la liberté de l’être humain dans sa dimension créatrice.

Si le symbole est cette tête chercheuse, s’il est investi de cette capacité épiphanique, on peut l’envisager comme un système de virtualités prenant leur source dans les structures archétypiques de l’inconscient et amenant progressivement la pensée consciente à s’orienter et à diriger son regard vers l’au-delà du monde sensible, vers l’Orient éternel.

Le symbole est donc trans-réflexif, médiateur entre le microcosme et le macrocosme, réconciliation avec l’univers.

Selon le mot de Bachelard, les symboles sont les « hormones » de l’énergie spirituelle.

La vie pulsionnelle ne s’épuise pas au contact du monde sensible ; un surplus semble chercher à s’investir. Le programme inscrit dans les gênes reconnaît dans ce qu’il est convenu d’appeler « la réalité » son propre visage, sans toutefois se satisfaire complètement de ce reflet qui laisse imaginer d’autres profondeurs. Ce « reste » qui cherche à se vivre n’est plus de l’ordre de la mesure, résiste à la description, grandit hors des structures du moi ressenties maintenant comme limites, et trouve dans le symbole son moyen d’exprimer ce qui ne peut se dire autrement.

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