NDLR : Notre frère Pascal a gentiment accepté de voir publier sur ce site la planche qu'il a présentée lors d'une tenue récente de sa loge. Qu'il en soit remercié ! (Illustrations proposées par la rédaction)
V∴M∴ et vous tous mes FF∴
Notre VM:. dans sa grande mansuétude m’a suggéré un sujet ce soir. Un F:. bien intentionné m’a suggéré de son côté d’évoquer ici en tant que Référent du Rite un sujet en rapport avec le Rituel comme par exemple la posture du FM:. en Loge. J’ai tout d’abord décliné cette dernière suggestion la trouvant aride, donneuse de leçon et probablement peu captivante. A la réflexion j’ai repensé aux séances d’instruction que j’ai reçues comme App :. puis comme Comp :. et que j’ai prodiguées comme Surv :. . Avec le recul j’ai pensé qu’il était important de transmettre cette partie du Rituel et de lui donner un sens.
Chaque Frère de la Maison du R.E.A.A. doit retrouver une pratique commune de notre Rituel afin d'accroitre le sentiment de partage du Rite mis en action et développer l'égrégore que nous recherchons tous.
Je vais donc aborder aujourd’hui un point particulier de la gestuelle que l’on appelle la posture et tenter de vous montrer pourquoi et comment y attacher de l’importance.
Commençons par un tour dans le dictionnaire. Plusieurs définitions ont retenu mon attention
Etymologiquement posture vient du latin positura «position, disposition», qui dérive de positus, participe passé de ponere «poser».
Au propre une définition, celle du CNTRL, indique « Attitude, position du corps, volontaire ou non, qui se remarque, soit par ce qu'elle a d'inhabituel, ou de peu naturel, de particulier à une personne ou à un groupe, soit par la volonté de l'exprimer avec insistance. » (source CNTRL). Le dictionnaire de l’Académie Française est moins catégorique : « Attitude du corps, position que l'on adopte ». Le Littré va dans ce sens : « Manière dont on pose, tient le corps, la tête, les membres ».
Au figuré posture peut signifier « l’attitude morale de quelqu'un ».
On comprend bien que la posture est une position que l’on adopte, qui est voulue et parfois délibérée.
Notre Rituel est constitué d'un ensemble de règles et d'usages.
Cela commence dès les parvis où ce lieu devrait un sas entre le monde profane (à l'extérieur) et le monde sacré. J'observe trop souvent que nous ne mettons pas à profit cet espace intermédiaire pour nous préparer physiquement, mentalement et spirituellement à ce qui va suivre. J’entends trop souvent des propos futiles, des blagounettes, rien de bien maçonnique
Les parvis sont vraiment l'endroit où l'on doit abandonner ses métaux, où les officiers endossent leurs sautoirs et les MM:. leurs baudriers ; où un F:. rectifie fraternellement le col d’un autre, ou le baudrier qui fait des tours dans le dos ; où l'on doit se préparer mentalement à la grâce qui va nous être offerte de l'autre côté des portes. Bref, c’est le sas qui nous permet de nous préparer à rentrer efficacement en Tenue. C’est sur les parvis que l’on doit prendre conscience de son corps et changer éventuellement de posture.
Une fois dans le Temple
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Au paragraphe 3 des Points particuliers de notre Rituel il est écrit « Lorsqu’un Frère est assis en Loge durant les travaux, il doit se tenir droit, les deux mains posées sur les genoux (refuser les attitudes décontractées : bras croisés, doigts entrelacés, jambes croisées, ou allongées vers le centre de la Loge). » (page 6 ; édition 2018)
Il nous est demandé d’adopter une posture rituelle qui place tous les participants à la Tenue dans une parfaite égalité.
Il nous faut donc être assis les jambes formant équerre, les mains sur les genoux, le corps droit. Rappelez-vous cette phrase prononcée par le Second Surv:. et qui s’applique à nos postures physique et morale " les équerres, les niveaux et les perpendiculaires sont de véritables signes de reconnaissance pour un Franc-Maçon".
Je m'astreins tant que faire se peut à appliquer cette posture assise et peut vous garantir que l'on très bien tenir ainsi longtemps, sans fourmillement ni lassitude. Combien de fois vois-je des FF∴ les jambes croisées, les bras croisés, avachis, mous, brisant ainsi la communion et la circulation des énergies qui nous relient au nadir et au zénith…
En effet cette posture correspond à une véritable nécessité qui s’adresse à plusieurs plans.
Sur un plan physiologique ou bio-mécanique lorsque la colonne vertébrale est placée dans un axe vertical, cela permet de respecter les courbures physiques de la colonne. Les trois courbures "mobiles" et déformables : la lordose cervicale ; la cyphose dorsale et la lordose lombaire. Ces trois courbures en position verticale réduisent les contraintes de la colonne et la repose. Par ailleurs une colonne vertébrale verticale permet le fonctionnement optimum du muscle diaphragme qui favorise la ventilation et la vascularisation des tissus dont bien sûr le cerveau. Et quelque part j’y vois un rapport avec le souffle et donc la vie.
On pourrait assimiler la colonne vertébrale souple et mobile à laquelle est accroché le sacrum (pièce osseuse rigide, de forme triangulaire pointe vers le bas) au fil à plomb qui est en face de chacun de nous dans le Temple. Il est là pour nous rappeler notre impérieux travail sur la verticalité.
Ces points de physiologie sont équivalents que l’on soit debout ou assis.
Quand on est assis il est demandé de placer les mains sur les genoux ou l’extrémité des cuisses. Cela correspond aussi à un bienfait physiologique. Cela permet de dégager les épaules qui doivent être basses et relâchées. Cela concoure à une meilleure circulation et à une meilleure respiration. Le souffle, toujours le souffle. Et cela permet de favoriser la respiration abdominale dont on verra les bienfaits plus tard.
Sur un plan énergétique, des disciplines millénaires comme le taoïsme ont développé des écoles comme le Qi gong qui est « une gymnastique traditionnelle chinoise et une science de la respiration fondée sur la connaissance et la maîtrise du souffle et qui associe mouvements lents, exercices respiratoires et concentration. Le terme « Gong » signifie littéralement « réalisation ou accomplissement) relatif au « Qi », ou « maîtrise du souffle ». « (source Wikipedia) Et ce « Qi » est cette énergie qui nous anime. La bonne posture permet de ne pas coincer les énergies dans la partie haute du corps mais de les faire redescendre au siège du « Qi », dans le ventre et donc de favoriser le recentrage de sa personne.
Et quand on parle d’énergie en relation avec la posture on ne peut pas faire l’impasse sur les sept chakras ou « roues de lumière ». Il s’agit d’une croyance qui n’est pas partagé par tous, toujours est-il que ces sept chakras se répartissent entre la base de la colonne vertébrale et le sommet du crâne sur une colonne dite de lumière parallèle à la colonne vertébrale et que l’homme harmonieux cherche à équilibrer ses chakras, et à permettre de faire circuler en lui les énergies qui nous viennent du centre de la terre (et qui passe par les pied ancrés dans le sol) et celles du cosmos. Cette notion de gestion des énergies déborde de mon sujet et je ne m’étendrai pas trop mais elle est à prendre en compte dans une démarche initiatique complète.
Toujours dans une démarche orientalisante, l’académicien François Cheng évoque également l’optimisation de la posture comme un travail qui consiste à creuser en soi la capacité de réceptivité « Seule une posture d’accueil – être le ravin du monde, selon Lao Tseu- et non de conquête, nous permettra de recueillir, de la vie ouverte, la part du vrai ».
Le Signe d’ordre :
Le pied gauche tourné vers l’avant et le pied droit en équerre, talon contre talon ; main droite sous la gorge (et pas sous le menton, cela a son importance pour le confort de la posture), le pouce en équerre, l’avant-bras droit horizontal. C’est ce que nous dit le Rituel lors de l’instruction du nouvel App:. et cela vaut pour tous les FF:. qui sont tous passés par là.
Ce geste rituel a trois fonctions : il ordonne le corps (mise en ordre extérieure), privilégie le pouvoir de l’esprit (contrôle de soi-même) et relie le F:. à l’Ordre à l’assemblée des Frères qui sont assis et à l’écoute ou debout et exécutent le même signe (communion).
Quand on est debout à l’ordre on apprend avec l’expérience que la position au début inconfortable du signe de l’App :. peut amener une réelle mise en disposition d’échange avec ses FF:. Car quand nous nous mettons à l’Ordre à l’ouverture ou à la fermeture des travaux, nous le faisons ensemble et nous voyons nos FF:. et que comme eux nous avons envie de bien faire, d’être unis à eux. Et ce que nous apprend le Qi gonq, c’est que des postures maintenues et ces gestes bien réalisés, avec surtout l’intention de bien les réaliser, c’est dire avec une conscience de le faire, sont des postures ressourçantes. Se mettre à l’ordre d’App:. devrait nous obliger à penser à la relation symbolique entre le pouce et la main droite, la gorge et l’esprit.
Je cite ici un travail de notre F:. Matéo Simoïta : «Mettre la main à la gorge c’est approcher la main du souffle vital et on pourrait ajouter, c’est donner à la main ce souffle vital ; cette transmission se fait par l’intermédiaire du pouce placé sur la gorge : le même mot [Nèphésh en Hébreu] se retrouve dans les trois éléments : l’esprit, la gorge en qualité de contenant et le pouce ! Mettre la main à la gorge en prenant appui sur le pouce c’est transmettre à la main une part de sacré qui nous vient du souffle ! Quoi de plus logique quand on sait que cette main va transformer la pierre brute pour en faire une pierre taillée constituante du temple de Salomon ; et cette main, c’est la nôtre à nous francs-maçons, nous qui avons ce génie dans nos gènes !»
Pensez-y très fort quand vous vous remettrez à l’Ordre.
Je ne m’attarderai pas sur le Signe pénal, le raisonnement étant le même et le Rituel le décrit très bien : « Étant au Signe d’ordre, passer la main d’un côté à l’autre de la gorge et laisser ensuite tomber le bras droit, en traçant une équerre, le long du corps, sans bruit »
Il est démontré que la concentration mentale sur le contenu symbolique d’un geste déclenche une activité cérébrale spécifique qui a plusieurs conséquences dont : une augmentation de la capacité de concentration et une sensation de détente et de relâchement. Tout le contraire de ce qu’il se passe lorsque l’on se force à simplement mimer le geste.
Bien faire les gestes, adopter la bonne posture permettent de développer l’attention, la concentration, le partage et la communion avec nos FF:.
Une fois debout, à l'ordre je constate encore de grandes disparités. Nos signes d'ordre, nos signes pénaux sont bien codifiés. Ayons à cœur de les exécuter "à la perfection" cela participe de la beauté d'une Tenue. La Beauté étant la résultante de la Sagesse et de la Force. Reconnaissons en la Beauté la puissance de l'harmonie et pas seulement une forme d'esthétisme. Avec la Beauté, la pierre que je suis s'approchera de plus en plus de la dimension et de la forme attendues pour s'inscrire dans le chantier.
La rectitude dans la gestion de notre posture participe de la rigueur dans l'exécution de la pratique de notre Rituel.
Ceci devrait être notre socle commun.
La mise en oeuvre de cette rigueur dans notre posture nous amène à une forme d'efficacité dans la pratique du Rituel et aussi, et ce n'est pas une récompense non négligeable, à de la fierté dans la participation à l'oeuvre commune. Encore une fois il s’agit de partage.
Quand j’adopte une posture juste il s’agit bien d’une épreuve que je m’inflige. Je ne suis pas masochiste, l’idée de l'effort, celle de l'amélioration, celle du dépassement de soi, celle d'un idéal de perfection me conviennent tout à fait.
Une fois la rectitude physique acquise grâce à l’intention et à la pratique on peut prétendre à la rectitude morale et à celle de l'esprit. Le Franc Maçon doit se prémunir de toute paresse physique et intellectuelle s'il veut construire son chemin qui va du moi au soi, puis de la fusion au principe, au retour à l'unité qui doit être son objectif.
Pour sortir du Temple nous rejoindrons les parvis. Soyons meilleurs que lors de notre passage précédent et ainsi progressons sur cette spirale vertueuse qui nous élève. « Mes Frères, bien au-dessus des soucis de la vie matérielle s’ouvre, pour le Franc-Maçon, le vaste champ de l’activité spirituelle. »
Avant de dire, je tenais à remercier mes FF:. Bernard, ostéopathe, et Yves, vieux sage, qui m’ont éclairé sur quelques aspects de ce travail.
J'ai dit
Pascal
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