Dans une première version, ce texte était titré "Les deux faces de la « médaille » maçonnique ou l’éloge de la dualité" !
Comparez une entité complexe comme la Franc-Maçonnerie à une médaille pourrait paraître comme une approche pour le moins réductrice. Mais la médaille n’est-elle pas un des premiers supports imaginés par les êtres humains ? Avant de devenir « médaille », ce terme ne désignait que menue monnaie. Mais, les petites médailles devinrent vite des objets importants et en particulier son utilisation dans la Chine ancienne pour interpréter le Livre des Mutations aussi appelé Yi-King.
La médaille donc a des titres de « noblesse » que l’on ne peut lui contester et ce n’est pas brider le contenu de la Franc-Maçonnerie que de la comparer à une médaille.
Il ne s’agit pas, bien sûr, de cautionner cette détestable pratique des objets décoratifs que l’on s’offre ou que l’on réalise pour une gloriole prétentieuse ; médaille du centenaire, médaille de notables, médaille d’honorariat, sans parler d’autres bijoux, tout cela est détestable !
En comparant la franc-maçonnerie à une médaille, on peut lire et comprendre notre réalité d’aujourd’hui, héritière d’un passé agité.
Une médaille a deux faces, un avers et un revers, et une tranche ; en métal unique ou en alliage, mais aussi en pierre ou en os, elle peut être gravée, sculptée, percée de multiples façons.
Il est coutume d’opposer les deux faces d’une même « médaille » : la face que l’on montre et la face cachée plus ou moins honteuse.
Ici, rien de tel ! La Franc-Maçonnerie ne cache rien ; il suffit d’observer !
Les deux faces d’une médaille nous renvoient à la binarité et au contenu symbolique qu’on pourrait lui attribuer. Si nous attribuons une importance au contenu symbolique du binaire, n’est-ce pas parce que c’est avant tout le moule dans lequel tout initié est amené à se glisser. Autant l’attribution d’un sens aux autres nombres procède d’une démarche intellectuelle, autant la binarité correspond à un vécu qui lui donne sa valeur symbolique.
Car, il ne faut pas confondre le contenu symbolique d’un objet ou d’une image avec la représentation qui en émerge. C’est une propension langagière d’assimiler les signes aux symboles au point qu’on dit souvent que « Tout est symbole » sans préciser les conditions qui donnent une valeur symbolique aux signes.
Le contenu symbolique du binaire en franc-maçonnerie concerne cinq problématiques essentielles :
Notre bipolarité de profane – initié-e,
Le devoir de fraternité et l’omniprésence de la solitude,
Notre filiation comme Enfant de la Veuve tout en prétendant être un héritier d’Hiram,
Le dualisme philosophique dont nous nous réclamons avec le support terrestre matériel et l’influence céleste de nature plus spirituelle,
Notre appartenance à un ordre institutionnel tout en devant faire un parcours de cherchant.
Ces quatre problématiques seront toujours omniprésentes dans notre démarche, que cela soit en loge ou en dehors de la loge. Il ne s’agit pas de problématiques des « contraires » mais des deux faces d’une même médaille. Etre l’un et l’autre, prétendre à l’une et l’autre de deux obligations ou réalités.
Les symboles maçonniques du binaire entretiennent et confortent cet environnement ; on pourrait citer :
Les deux colonnes à l’entrée du temple,
La disposition dans le temple avec cet axe Occident – Orient qui impose sa logique,
Le pavé mosaïque,
La paire de gants blancs,
La lumière et l’obscurité,
La Saint-Jean d’hiver et la Saint-Jean d’été,
La lune et le soleil
Le nadir et le zénith, associés au fil à plomb,
Le triangle isocèle, symbole de dualité par la symétrie qu’il inspire.
L’équerre et le compas, les deux motifs d’un logo sans nom qui symbolise par lui-même la franc-maçonnerie.
L’origine même de l’émergence des loges maçonniques fut placée sous l’influence d’une dualité : à la fois d’inspiration chrétienne et se voulant aussi différente avec une influence scientifique et une dimension universelle englobant la pré-chrétienté.
Qui dit dualité, sous-entend une complexité et l’obligation d’introduire une subtilité. On peut comprendre que c’est un exercice difficile qui peut être mal compris.
L’histoire de la franc-maçonnerie recèle de nombreux épisodes où un engagement inconsidéré (comme lors de la Commune de Paris) s’est terminé en drame et incompréhension.
Vouloir donner l’image d’une Franc-Maçonnerie engagée et militante semble une incongruité en contradiction avec cette dualité intrinsèque. C’est aussi pour cette raison que la Franc-Maçonnerie n’a pas sa place dans un engagement politicien bien qu’elle ait sa place dans une proximité avec le pouvoir politique dominant.
Si la dualité initiale instituée au XVIIIème siècle avait un sens grâce à l’alliance entre la bourgeoisie et l’aristocratie, on peut se poser la question de la crédibilité de la Franc-Maçonnerie aujourd’hui.
En formulant autrement, quel contenu donner aujourd’hui à une dualité qui aurait un sens compréhensible par une large frange de la population ?
La transition énergétique, le transhumanisme, l’intelligence artificielle et la dynamique Nord-Sud sont des sujets qui pourraient bénéficier des subtilités de notre approche de la dualité.
Non pas pour opposer les énergies renouvelables aux énergies fossiles, si on prend l’exemple de la transition énergétique, mais pour accepter une mixité d’approche qui soit compatible.
De la même manière, vouloir opposer l’intelligence artificielle à l’intelligence humaine sous prétexte d’une référence à l’humanisme du siècle des Lumières procède de l’oubli de l’apport de la dualité dans une approche du futur.
En revisitant la dualité à l’aune d’une utilisation contemporaine de la pensée humaine on peut valoriser la démarche maçonnique en lui conservant toute sa spécificité dans le maniement d’une pensée symbolique.
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