Le titre est ambigu car il ne s’agit pas, à proprement parler, du procès de Jésus ; en fait Jacques Schecroun à travers son roman historique aborde la difficile question de la culpabilité supposée des caciques juifs de l’époque dans la mise à mort de Jésus.
Sous ce titre, il y a plus d’une vingtaine d’ouvrages. Jacques Schecroun a ajouté au sien un sous-titre « Le secret le mieux gardé de Rome ».
Jésus en se prétendant « fils de Dieu » commis un blasphème en raison du troisième commandement : « Tu n’invoqueras pas le nom YHWH ton Dieu en vain » (Ex 20:71).
Blasphème qui entraînera sa condamnation à mort !
Qui fut l’autorité responsable de la condamnation et de l’exécution de la sentence ?
La vindicte populaire jusqu’à peu et même encore aujourd’hui désigne le peuple juif considéré comme « déicide ».
La réalité historique est toute autre ! Pourquoi cette confusion si longtemps entretenue ? Qui fut responsable ?
C’est tout l’art du narrateur que de reconstituer le contexte et de faire émerger la vérité.
Caïphe Joseph, en qualité de Grand Prêtre du Temple de Salomon a affirmé le délit mais n’avait pas le pouvoir de faire exécuter la sentence ! Seul Ponce Pilate, détenteur du pouvoir romain pouvait le faire.
Le roman, qui se lit d’un trait, plaide la relaxe : non les juifs ne sont pas à l’origine de la condamnation à mort de Jésus ! Les coupables ce sont les romains et en particulier Ponce Pilate qui joue un grand rôle dans l’ouvrage.
Ce livre se veut pédagogique et de longs développements (en particulier à travers une intrigue amoureuse) permettent d’aborder d’une part les débats internes de la société juive et d’autre part les tourments du pouvoir romain face à cet engouement des populations méditerranéennes pour le message d’amour des premiers chrétiens.
Il est difficile d’imaginer aujourd’hui combien ces premiers siècles de l’ère moderne ont pu être marqués par la diffusion dans tout le bassin méditerranéen de la pensée chrétienne. Jusqu’à la christianisation de l’empire romain, dans les années 300 après JC, la diffusion de la chrétienté est essentiellement « militante » pour employer un mot contemporain.
On connaît les conséquences de l’accusation de déicide accolée injustement au peuple juif. Il faut dire que l’accusation de déicide a rendu de nombreux "services" tout au long de l’histoire au point de susciter une dérive mortifère d’un pouvoir européen dit démocratique.
Jacques Schecroun, en quelque sorte rétablit ce qu’il croit être la vérité historique en redonnant une autre dimension aux divergences idéologiques.
Le sous-titre « Le secret le mieux gardé de Rome » se comprend si on imagine que l’Empire, romain après avoir persécuté les chrétiens, a su instrumentaliser leur religion pour consolider son pouvoir. Trouver dans le peuple juif le bouc émissaire des persécutions chrétiennes permis à Rome de ne pas être mise en cause.
Si les religions ont toujours été utilisées par les pouvoirs institutionnels, dans le cas présent le réel déroulement des faits restera inconnu ; Jésus-Christ a-t-il réellement existé ou est-il un des personnages d’une légende qui s’est créée progressivement après la christianisation de l’empire romain ?
Ce qui est sûr c’est que Jacques Schecroun a une belle plume, que son texte se déroule en ménageant la romance, l’humour et des événementiels qui collent à la réalité historique.
L’auteur a l’honnêteté d’avoir prévu en fin de l’ouvrage une postface intitulée « Ce qui est vrai et ce qui ne l’est pas » dans laquelle il cite ses sources.
Quel rapport avec la Franc-Maçonnerie ?
Si Jacques Schecroun fait œuvre de « réhabilitation » en mettant en scène des relations apaisées entre la communauté juive et les premiers chrétiens, on trouve aussi une inspiration maçonnique dans une approche des relations inter-religieuses où la tolérance et la bienveillance doivent primer.
Cette lecture de l’Histoire se complète d’une mise en responsabilité du pouvoir politique (ici le pouvoir romain) qui sait utiliser, influencer et instrumentaliser pour faire porter sa responsabilité sur d’autres têtes.
Dans une époque où de nombreux commentateurs tombent dans le piège de l’islamisme instrumentalisé par les politiques, ce « Procès de Jésus » permet de prendre un peu de recul pour ne pas ostraciser les adeptes de la religion musulmane.
Le procès de Jésus
Roman
Auteur : Jacques Schecroun
Editeur : Albin Michel
Avril 2022 - 367 pages – 21,90 €
Bibliographie (extraits) :
Le Procès de Spinoza
Editions Albin Michel – 2021
PARDONNE, AIME ET REVIS
un roman initiatique sur la difficile question du pardon.
Editions Le Duc - 2019
Le Prince qui manquait de tout
Avec Justine Brax (
Editions Albin Michel Jeunesse – 2018
Une autre façon d'aimer
Editeur L'homme Eds De – 2015
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