Comprendre le signe d’ordre au 1er degré
Il y a un geste qui depuis l’origine de la franc-maçonnerie est toujours appliqué quel que soit le pays, le rite ou l’atelier : c’est le signe que nous appelons d’ordre (en Angleterre : on l’appelle SIGN OF AN ENTERED APPRENTICE ) ! «Il se fait, en étant debout les deux pieds en équerre, le bras droit horizontal replié, paume de la main tournée vers le sol, pouce à l'équerre contre le cou.»
Il est classique de lire que ce signe d’ordre signifie :
« Je contrôle et j'apaise mes instincts, j'apprends à modérer mes paroles, à maîtriser mes passions... »
« La main droite, placée en équerre sur la gorge, paraît contenir le bouillonnement des passions qui s'agitent dans la poitrine et préserver ainsi la tête de toute exaltation fébrile susceptible de compromettre la lucidité de l'esprit. L'Ordre de l'Apprenti signifie qu'il cherche à être en possession de lui-même et qu'il s'attache à juger avec impartialité.»
Il n’est pas inintéressant de remarquer que ces interprétations n’ont aucun crédit historique ; ce sont de libres interprétations dues à l’imagination d’auteurs comme Boucher et Wirth dont on peut douter de la compétence historique.
Pour comprendre il faut savoir qu'à l'époque où la Franc-Maçonnerie spéculative fut créée, en Angleterre comme dans toute l'Europe, la Bible est la référence en matière de connaissances historiques ; au XVIIème siècle, elle vient tout juste d'être accessible grâce à l'invention de l'imprimerie. En Angleterre, c'est Jacques VI d'ecosse et Ier d'Angleterre qui commande en 1604 à un collège d'ecclésiastiques d'en faire une traduction et c'est cette Bible intitulée KJV (pour King Jack Version) dont se servira les initiateurs de la Franc-Maçonnerie.
L'un des plus anciens rituels dont on dispose est celui publié par Samuel Prichard en 1730 dans son livre Masonry Dissected.
Dans ce rituel on évoque le signe du nouvel apprenti (signe d'ordre au 1er degré pour nous) sans en expliquer le sens.
S’il n’est pas donné d’explication à ce signe, c’est peut-être qu’il y a une raison ; après avoir beaucoup cherché, et n’ayant rien trouvé dans les ouvrages de maçonnologie, j’en suis venu à élaborer une explication qui me semble plausible .
Cette interprétation est fondée sur l’importance du symbolisme de la gorge dans la bible ; la bible en hébreu fait référence à la gorge de différentes manières, mais c’est l’utilisation du mot Nephesh qui mérite toute notre attention.
Nephesh est souvent traduit par esprit ou âme ou élan vital. Mais en hébreu le sens est beaucoup plus large ; il désigne aussi la gorge mais également le pouce et par là nous met en relation avec le symbolisme d’Aaron, le frère de Moïse !
L’idée générale que nous devons garder en mémoire, c’est que l’essentiel du sacré de l’être humain se retrouve dans cette zone corporelle : la gorge est non seulement le passage du souffle parfois appelé esprit mais aussi ce qui pénètre dans le corps que cela soit l’air ou la nourriture !
Mettre la main à la gorge c’est approcher la main du souffle vital et on pourrait ajouter c’est donner à la main ce souffle vital ; cette transmission se fait par l’intermédiaire du pouce placé sur la gorge : le même mot « Nephesh » se retrouve dans les trois éléments : l’esprit, la gorge en qualité de contenant et le pouce !
Mettre la main à la gorge en prenant appui sur le pouce c’est transmettre à la main quelque chose de sacré qui nous vient du souffle !
Quoi de plus logique quand on sait que cette main va transformer la matière pour en faire un objet spirituel dans la construction du temple de Salomon ; et cette main, c’est la nôtre à nous francs-maçons, nous qui avons ce génie dans nos gènes !
Comme vous le voyez, le signe du nouvel apprenti, que nous appelons signe d’ordre, avec le pouce sur la gorge, interprété à partir de Nephesh, est un geste fondamental et riche de sens sans commune mesure avec un simple signe de reconnaissance. C’est un signe de communication de quelque chose de sacré !
Si le signe d’ordre n’a aucune explication formalisée dans les premiers rituels, on peut malgré tout comprendre son importance par la dramatisation qui est donnée au signe qui lui succède que l’on appelle le signe pénal : celui-ci consiste à déplacer la main droite horizontalement puis verticalement le long du corps ; voici ce qui en est dit dans Masonry dissected de Samuel Prichard :
"Having my throat cut across, my tongue torn out by its roots, and my body buried in the rough sands of the sea at low water mark, where the tide ebbs and flows twice in twenty-four hours, should I ever knowingly violate this my Entered Apprentice obligation." que l’on pourrait traduire par « Sachant que j’aurais ma gorge tranchée, ma langue arrachée et mon corps enterré dans les sables grossiers de la côte à marée basse, chahuté par le flux et le reflux journalier des vagues, pourrai- je violer sciemment mon obligation d'Apprenti ? "
Cette dramatisation a un sens si l’on se rappelle la signification de Nephesh ; avoir la gorge coupée c’est une mort horrible spirituellement si on admet la logique biblique qui au XVIème siècle en Angleterre constituait la référence en matière de connaissance !
Faire le signe pénal, c’est communiquer un engagement à respecter cette obligation du secret dont on sait qu’il est lui d’origine compagnonnique et non biblique !
Aujourd’hui, ce geste pénal n’est pas spécifiquement maçonnique, on le retrouve dans le monde profane soit avec la main soit plus souvent avec l’index ou le pouce : il signifie une menace de meurtre par égorgement, généralement par vengeance ou par volonté de faire peur en particulier à celles et ceux qui ne respecteraient pas la loi du silence !
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