C’est une question qui nous est souvent posée par des profanes intrigués de nous savoir membre d’une loge. C’est très délicat d’y répondre, car il est difficile d’imaginer une réponse identique pour toutes celles et tous ceux qui ont été initiés.
Les réponses que je vous livre n’engagent donc que moi !
Initié dans une loge qui pratique le rite écossais ancien et accepté que j’ai suivi jusqu’au chapitre. Un changement d’hémisphère m’a amené à être fondateur d’une loge qui avait choisi le rite ancien et primitif de Memphis Misraïm. J’appartiens aujourd'hui à une loge qui fonctionne au Rite Français dit Groussier. Tout cela pour évoquer les influences rituelles que j’ai subies.
Il y a deux dimensions dans la question posée :
ce que l'on est en droit d'attendre pour soi-même,
ce que l'on peut attendre de la franc-maçonnerie si on la considère comme une entité.
I - Ce que la démarche maçonnerie peut nous apprendre personnellement !
En ce qui me concerne, de plus de 45 années de vécu maçonnique dans la même obédience (Le Grand Orient de France), je dirais que j'en tire cinq enseignements :
A – Il est nécessaire d'intégrer le droit à l’erreur pour mieux comprendre l’autre !
Etre franc-maçon c’est appartenir à une loge maçonnique. Ce que nous apporte la franc-maçonnerie provient de ce vécu dans la ou les loges que nous fréquentons ou que nous avons fréquenté ! Ce vécu constitue le secret maçonnique qui nous façonne peu ou prou !
Dans le cadre de ce vécu nous approchons d’autres membres de la loge ; de cette proximité naîtra des influences qui nous transformerons.
Ce droit à l’erreur c’est d’abord le constat de mes propres erreurs et en particulier l’erreur de vouloir être exigeant !
C’est aussi l’erreur que l’on perçoit a posteriori dans une attitude, un comportement ou une réflexion émise lors d’une tenue soit par moi-même soit par un membre de la loge, un visiteur ou un officier.
Quoiqu’on dise, entende ou voit, la démarche maçonnique nous apprend à ne pas répondre, à ne pas polémiquer et à accepter, en espérant qu’un jour viendra où nous saurons rectifier !
Ce droit à l’erreur est la base de la nécessaire bienveillance qui doit imbiber nos rapports humains d’une part entre francs-maçons dans la loge, mais aussi en dehors du temple avec quiconque !
Je suis convaincu que cette compréhension du droit à l’erreur m’a permis d’une part de ne pas succomber à la tentation de la démission et d’autre part de dépasser les inévitables imperfections que l’on peut rencontrer afin de persister dans l’effort du travail personnel pour éclairer les zones sombres du vécu humain que je ne connaissais pas !
B – La démarche maçonnique peut nous aider à maîtriser les pulsions de violence
C’est le deuxième bienfait de la franc-maçonnerie ! Fondamentalement, la franc-maçonnerie est pacifiste ! Or l’être humain possède des pulsions de violence ! La franc-maçonnerie nous apprend à maitriser cette violence qui est aux bords de nos lèvres ou de notre main selon qu’il s’agisse de violence verbale ou physique. Le rituel maçonnique dans son contenu aborde ce difficile apprentissage ! On peut d’ailleurs s’étonner le succès qu’ont eu les loges militaires !
Remarquons que c’est un sujet rarement abordé ! Saluons le numéro 7 (juin 2024) de la Revue Sisyphe de la Grande Loge Mixte de France consacré à « La franc-maçonnerie en guerre contre la violence – Préserver un héritage de paix »
Cette maîtrise de la violence que nous apprend le rituel maçonnique à partir du 3ème degré mériterait d’être mise en exergue car elle répond exactement à une préoccupation universelle !
C’est pour maîtriser les pulsions de violence que l’on ne doit pas polémiquer en loge ! En loge on ne dialogue pas ! Chacun, chacune, apporte une pierre à la réflexion ! Donner un avis sur une contribution n’a aucun sens si ce n’est celui de s’opposer ce qui est le propre de la vie profane !
C – Pour éviter le désordre, la première condition concerne l’importance d’une gouvernance collective harmonieuse.
La loge maçonnique fonctionne, par une filiation invisible, sur le modèle de la tribu archétypique avec une différence fondamentale : alors que la tribu archétypique concède l’autorité à un chef du clan majoritaire, la gouvernance d’une loge maçonnique se conçoit sur le modèle collectif du collège des officier-e-s.
Avouons que c’est très rarement appliqué ! Comme dans le monde profane, dans de nombreuses loges le ou la Vénérable est issu-e du clan majoritaire et fonctionne avec les pleins pouvoirs ou presque !
Par absence de formation et aussi par faiblesse, la gouvernance des loges pêche par la médiocrité et la facilité.
Les principes maçonniques permettent de réaliser une gouvernance collective harmonieuse, pour peu qu'on les applique avec intelligence et qu'un minimum de formation permette d'éviter les erreurs profanes !
Aujourd’hui, les obédiences recrutent pour faire du chiffre ! Ce recrutement est orienté vers les loges qui les gèrent avec toute la bonne volonté qu’il est possible mais sans ligne de conduite mûrement réfléchie.
Cette situation aboutit à un paradoxe : une demande toujours forte mais un taux d’abandon également fort qui fait qu’au total c’est la stagnation qui prime !
D – La franc-maçonnerie nous apprend la vertu de l’humilité et de la pauvreté !
Dès l’entrée dans le cabinet de réflexion, le (ou la) candidat-e à l’initiation est invité-e à réfléchir sur la condition de l’existence humaine. Toutes les références à la réussite sociale sont présentées sous l’angle négatif de la prétention, de l’autosatisfaction et de la vanité. On pourra me rétorquer que cela n’a pas empêché les dorures et le decorum qui trônent ici ou là, sans parler de la jouissance manifeste, observée parfois, à se prévaloir de qualités matérielles !
Apprendre l’humilité c’est accepter de n’être que peu de chose individuellement mais de pouvoir prétendre à faire beaucoup collectivement. C’est l’humilité, la simplicité et la pauvreté qui peuvent prétendre apporter la Paix et la Sagesse dans la société ! Bien sûr il s’agit d’une intention qui nous est proposée mais qui, à ce jour, n’a pas encore été réalisée.
E – La démarche maçonnique permet de s'approprier cinq valeurs qui sont des guides pour une vie harmonieuse dans ce monde si difficile
Ces cinq valeurs peuvent rentrer dans le processus de transmission au monde profane de ce que l'on apprend en loge. Il s'agit de :
La bienveillance
La liberté de conscience
La recherche spirituelle
Le respect d’une éthique irréprochable,
Le développement de la Fraternité Universelle.
Que cela soit dans notre vie personnelle ou professionnelle, au milieu d’amis ou en voyage, à l’étranger, ces valeurs nous donnent des repères.
Voilà ce que j’explique à celles et ceux qui me demandent ce que la franc-maçonnerie m’a apporté.
II - Ce que la franc-maçonnerie peut nous apporter collectivement !
L'histoire des peuples témoigne de l'importance de l'idéologie maçonnique au XVIIIème siècle dans les différents cercles intellectuels de l'Europe que l'on a appelé l'Europe des Lumières.
Le triptyque "Liberté, Égalité, Fraternité" signe l'influence de l'idéal maçonnique.
On a souvent dit que la Révolution américaine s'est nourrie des valeurs maçonniques.
Au XIXème, c'est surtout en Amérique du Sud que l'on retrouve une influence maçonnique chez les leaders des mouvements révolutionnaires.
En Europe on retiendra l'influence maçonnique pour l'élaboration de la loi qui organise les rapports de l'Etat et des Eglises dans le cadre de la laïcité.
En dehors de ces principaux exemples, il y a eu de nombreuses déceptions et en particulier le fourvoiement de certains groupements maçonniques lors de la IIIème République en France.
L'incapacité des obédiences maçonniques à s'entendre pour se retrouver dans une structure fédérale mondiale rend la franc-maçonnerie inaudible et impuissante.
Nombreux sont celles et ceux qui se rendent compte de la stupidité d'une telle situation.
Peut-être qu'un jour, la franc-maçonnerie pourra être reconnue comme ce qu'elle mérite d"être, une Puissance Morale capable d'aider les être humains à vivre la Fraternité Universelle à l'échelle de notre globe.
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