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Photo du rédacteurMatéo Simoita

Rupture du monde profane, le temps sacré !



NDLR : Une sœur abonnée, membre d'une loge de la Grande Loge Féminine de France, nous a proposé une planche sur ce thème du temps sacré.


Vénérable Maîtresse et vous toutes mes sœurs, en vos grades, fonctions et qualités.


Qu’est-ce que le temps ? Il n’est pas facile à définir ; à cette question, Saint Augustin répondait : « Si personne ne me le demande, je le sais. Si je veux l'expliquer à qui me le demande, je ne le sais plus. ».


Modestement, je dirai qu’il y a trois grandes perceptions du temps : le temps des horloges, le temps des vécus et le temps sacré !

• Le temps des horloges nous renvoie à une lecture scientifique avec des temps différents selon les repères que l’on se donne.

• Le temps vécu, c’est ce que nous percevons dans le monde profane et qui dépend beaucoup des émotions ressentis.

• Le temps sacré nous intéresse particulièrement et je vais vous en parler.


Étymologiquement, le terme sacré se réfère à plusieurs origines : citons la racine sanscrite SAK, reliée au domaine et aux objets de la divinité, et l’origine latine (sacrum, sacer) qui implique « séparer » circonscrire et par extension « à part ». Rappelons que Temps et Temple ont la même origine sémantique, qui signifie introduire une coupure entre le sacré et le profane.


Mircea Eliade, historien, mythologue et philosophe, souligne d’ailleurs cette opposition : « L’homme religieux sent le besoin de plonger périodiquement dans ce Temps sacré et indestructible. Pour lui, c’est le Temps sacré qui rend possible l’autre temps ordinaire, la durée profane dans laquelle se déroule toute existence humaine. C’est l’éternel présent de l’événement mythique qui rend possible la durée profane des événements historiques ».


Les sociétés archaïques et traditionnelles ont ainsi toujours eu l’expérience du sacré en créant des mouvements qui impliquaient cette séparation entre le monde profane et l’espace sacré.


Dans notre civilisation occidentale, on se cantonne souvent à la croyance de tel ou tel dogme religieux qui marque des temps sacrés de sorte que le sacré est toujours une représentation partielle et symbolique de Dieu ou du religieux ; en franc-maçonnerie, nous le ressentons de façon personnelle, intuitive ce qui nous laisse supposer l’existence d’un principe supérieur, celui d’un monde invisible qui dépasse notre condition humaine.


Pour comprendre le temps sacré, le rôle du mythe est primordial. L’appropriation du mythe permet d’échapper au temps pour la découverte de l’éternel recommencement qui nous relie à nos origines et nous donne la possibilité de se soustraire à notre condition d’être mortel.


Selon Henri Lustman, ancien Souverain Grand Commandeur du Suprême Conseil pour la France, « le rite offre des possibilités qui dépassent les états naturels de l’être ; il est d’essence spirituelle et relie d’emblée l’Homme au Sacré ! »


« Nous ne sommes plus dans le monde profane, nous avons laissé les métaux à la porte du temple, élevons nos coeurs en fraternité, que nos regards se tournent vers la Lumière ! »


C’est par cette phrase que la Vénérable Maîtresse nous indique la rupture : rupture avec le temps du quotidien, nous rentrons dans un autre temps. Nous ne sommes plus dans le monde profane !


Qu’en est-il du temps sacré dans notre rituel maçonnique ?


Notre cérémonie d’initiation marque une rupture avec le temps profane ; cette rupture commence dans le cabinet de réflexion ; la rédaction du testament philosophique est le prélude à une renaissance pour une nouvelle vie.


La tendance de la plupart des profanes est de comprendre les questions du testament philosophique comme s’il s’agissait de rédiger un testament de fin de vie comme cela peut se passer pour n’importe quel individu sachant sa fin proche et désireux de transmettre ses dernières volontés. Il s’agit là bien sûr d’un contresens dont la nouvelle apprentie prendra conscience dans son parcours initiatique.


On ne dit peut-être pas assez qu’on est ici dans une toute autre situation. Il s’agit d’une mort d’un état profane qui va muter en une renaissance initiatique. L’initiation agit comme une mue : on va se débarrasser d’un état pour endosser un autre habit.


Le testament moral et philosophique du profane doit être compris comme une prise de conscience de cette volonté de changement qui prélude à l’initiation. Si ce testament doit avoir une valeur c’est parce qu’il recèle tout ce que le profane veut abandonner dans la perspective qu’une autre dimension l’attend avec d’autres valeurs beaucoup plus motivantes que celles auxquelles il était attaché.


A l’issue de la cérémonie de l’initiation, dans notre rite écossais ancien et accepté, la vénérable maîtresse sacre la nouvelle initiée avec l’épée flamboyante en lui disant « Je vous crée, reçois et constitue apprentie maçonne » ! Ainsi la nouvelle initiée intègre la longue chaine des initiées qui relie les francs-maçonnes du passé à celles du présent, loin des réalités du monde profane, dans notre temps sacré qui n’impose aucune limite.

Pourtant nos travaux se déroulent symboliquement de midi à minuit ; sont-ce des limites ou plutôt des repères ? En tous les cas, il s’agit, là aussi, de se déconnecter du temps des horloges.


Au premier degré, on dira que Midi, c’est l’heure où le soleil est à son zénith ; nous pouvons commencer nos travaux en pleine lumière, et que Minuit, c’est l’heure où les ténèbres règnent sur le monde de l’ignorance ; nos travaux s’achèvent mais nous retournons dans le monde profane pour y répandre la lumière qui est en nous. Dans les degrés ultérieurs, on pourra appréhender une autre dimension de ce temps sacré délimité par Midi et Minuit.


Nous travaillons aussi sous la voûte étoilée, en présence du soleil et de la lune, dans une dimension spatio-temporelle que je m’approprie comme « mon temple », en dehors du temps profane.


C’est ainsi que le rituel maçonnique nous permet, à nous initiées, de vivre dans un non-temps et de se régénérer ; d’où l’importance de travaux apaisés et réfléchis.


On oppose souvent les travaux dits symboliques aux travaux sociétaux : n’est-ce pas un faux débat ?


L’essentiel n’est-il pas d’avoir conscience que dans le temps sacré du déroulement d’une tenue, nous nous trouvons dans une sorte d’apesanteur, hors du temps profane, de nos polémiques et de nos conflits d’intérêts, pour ressentir la gravité de notre expérience existentielle ! Dans cet état d’esprit, on peut user de la liberté de parole mais en essayant de ne pas la polluer par des controverses inutiles aussi bien dans les planches tracées que dans nos réactions sur les colonnes.


En nous adressant au pavé mosaïque ne pouvons-nous pas considérer que nous nous situons dans cet espace sacré ?


Pour ma part, c’est dans cet espace que j’ai trouvé une spécificité, la construction de mon temple intérieur grâce au langage symbolique de notre société initiatique.


Mircea Eliade affirme que « Tout espace sacré implique une hiérophanie, une irruption du sacré qui a pour effet de détacher un territoire du milieu cosmique environnant et de le rendre qualitativement différent. »


Pour ce qui concerne l’espace du temps sacré de la tenue maçonnique. Il me semble que la franc-maçonnerie nous incline à une démarche qui nous met en recherche perpétuelle. La hiérophanie en loge, que l’on pourrait définir comme la manifestation du sacré, a cette connotation particulière où le doute et le questionnement nous enlèvent toute certitude.


J’ai dit


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